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de trois russes et de trois anglais

turne, ne fussent rentrés à leur gîte, soit pour y dévorer leur proie, soit pour y prendre du repos. Peut-être même pourrait-il les surprendre endormis, et en finir rapidement avec eux.

Un quart d’heure après avoir franchi l’entrée du défilé, Mokoum et ses deux compagnons arrivèrent devant la tanière, à l’éboulement qui leur avait été indiqué par Michel Zorn. Là, ils se tapirent sur le sol et examinèrent le gîte.

C’était une excavation assez large, dont on ne pouvait en ce moment estimer la profondeur. Des débris d’animaux, des monceaux d’ossements, en masquaient l’entrée. Il n’y avait pas à s’y méprendre, c’était la retraite des lions signalée par le colonel Everest.

Mais en ce moment, contrairement à l’opinion du chasseur, la caverne semblait déserte. Mokoum, le fusil armé, se laissa glisser jusqu’au sol, et rampant sur les genoux, il parvint à l’entrée de la tanière.

Un seul regard, rapidement jeté à l’intérieur, lui montra qu’elle était vide.

Cette circonstance, sur laquelle il ne comptait pas, lui fit immédiatement modifier son plan. Ses deux compagnons, appelés par lui, le rejoignirent en un instant.

« Sir John, dit le chasseur, notre gibier n’est pas rentré au gîte, mais il ne peut tarder à paraître. J’imagine que nous ferons bien de nous installer à sa place. Mieux vaut être assiégés qu’assiégeants avec des lurons pareils, surtout quand la place a une armée de secours à ses portes. Qu’en pense Votre Honneur ?

— Je pense comme vous, bushman, répondit sir John Murray. Je suis sous vos ordres et je vous obéis. »

Mokoum, sir John et l’indigène pénétrèrent dans la tanière. C’était une grotte profonde, semée d’ossements et de chairs sanglantes. Après avoir reconnu qu’elle était absolument vide, les chasseurs se hâtèrent d’en barricader l’entrée au moyen de grosses pierres qu’ils roulèrent non sans peine, et qu’ils accumulèrent les unes sur les autres. Les intervalles laissés entre ces pierres furent bouchés avec des branchages et des broussailles sèches dont la portion ravinée du défilé était couverte.

Ce travail ne demanda que quelques minutes, car l’entrée de la grotte était relativement étroite. Puis, les chasseurs se portèrent derrière leur barricade percée de meurtrières, et ils attendirent.

Leur attente ne fut pas de longue durée. Vers cinq heures et quart, un lion et deux lionnes parurent à cent pas de la tanière. C’étaient des animaux de grande taille. Le lion, secouant sa crinière noire et balayant le