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de trois russes et de trois anglais

« Maintenant, dit le colonel Everest, il faut déterminer d’une façon précise le point de départ de notre opération, en portant un fil à plomb tangent à l’extrémité de la première règle. Aucune montagne n’exercera d’action sensible sur ce fil[1], et de cette façon, il marquera exactement sur le sol l’extrémité de la base.

— Oui, répondit Mathieu Strux, à la condition, cependant, que nous tenions compte de la demi-épaisseur du fil au point de contact.

— Je l’entends bien ainsi, » répondit le colonel Everest.

Le point de départ fixé d’une façon précise, le travail continua. Mais il ne suffisait pas que la règle fût placée exactement dans la direction rectiligne de la base, il fallait encore tenir compte de son inclinaison par rapport à l’horizon.

« Nous n’avons pas la prétention, je pense, dit le colonel Everest, de placer cette règle dans une position parfaitement horizontale ?

— Non, répondit Mathieu Strux, il suffira de relever avec un niveau l’angle que chaque règle fera avec l’horizon, et nous pourrons ainsi réduire la longueur mesurée avec la longueur véritable. »

Les deux savants étant d’accord, on procéda à ce relèvement au moyen d’un niveau spécialement construit à cet effet, formé d’une alidade mobile autour d’une charnière placée au sommet d’une équerre en bois. Un vernier indiquait l’inclinaison par la coïncidence de ses divisions avec celles d’une règle fixe portant un arc de dix degrés, divisé de cinq minutes en cinq minutes.

Le niveau fut appliqué sur la règle et le résultat fut reconnu. Au moment où Nicolas Palander allait l’inscrire sur son registre, après qu’il eut été successivement contrôlé par les deux savants, Mathieu Strux demanda que le niveau fût retourné bout à bout, de manière à lire la différence des deux arcs. Cette différence devenait alors le double de l’inclinaison cherchée, et le travail se trouvait alors contrôlé. Le conseil de l’astronome russe fut suivi depuis lors dans toutes les opérations de ce genre.

À ce moment, deux points importants étaient observés : la direction de la règle par rapport à la base, et l’angle qu’elle formait par rapport à l’horizon. Les chiffres résultant de cette observation furent consignés sur deux registres différents, et signés en marge par les membres de la commission anglo-russe.

Restaient deux observations non moins importantes à noter pour ter-

  1. La présence d’une montagne peut, en effet, par son attraction, dévier la direction d’un fil, et ce fut précisément le voisinage des Alpes qui produisit une différence assez notable entre la longueur observée et la longueur mesurée de l’arc qui fut calculé entre Andrate et Mondovi.