Page:Verne - Une ville flottante, 1872.djvu/218

Cette page a été validée par deux contributeurs.
30
aventures

Ce fut le 5 février, pendant les premières heures de la matinée et par une pluie battante, que le Queen and Tzar atteignit la station de Klaarwater, village hottentot, près duquel le Kuruman se jette dans l’Orange. Le colonel Everest, ne voulant pas perdre un instant, dépassa rapidement les quelques cabanes bochjesmanes qui forment le village, et sous l’impulsion de son hélice, la chaloupe commença à remonter le courant du nouvel affluent. Ce courant rapide, ainsi que l’observèrent les passagers du Queen and Tzar, était dû à une particularité singulière de ce cours d’eau. En effet, le Kuruman, très large à sa source, s’amoindrit, en descendant, sous l’influence des rayons solaires. Mais, en cette saison, grossi par les pluies, accru des eaux d’un sous-affluent, la Moschona, il était profond et rapide. Les feux furent donc poussés, et la chaloupe remonta le cours du Kuruman à raison de trois milles à l’heure.

Pendant cette traversée, le bushman signala dans les eaux de la rivière la présence d’un assez grand nombre d’hippopotames. Ces gros pachydermes que les Hollandais du Cap nomment « vaches marines », épais et lourds animaux, longs de huit à dix pieds, étaient d’humeur peu agressive. Les hennissements de la barque à vapeur et les patouillements de l’hélice les effrayaient. Cette embarcation leur paraissait quelque monstre nouveau dont ils devaient se défier, et de fait, l’arsenal du bord rendait son approche fort difficile. Sir John Murray eût volontiers essayé ses balles explosibles sur ces masses charnues ; mais le bushman lui affirma que les hippopotames ne manqueraient pas dans les cours d’eau du nord, et sir John Murray résolut d’attendre de plus favorables occasions.

Les cent cinquante milles qui séparent l’embouchure du Kuruman de la station de Lattakou furent franchis en cinquante heures. Le 7 février, à trois heures du soir, le point d’arrivée était atteint.

Lorsque la chaloupe à vapeur eut été amarrée à la berge qui servait de quai, un homme âgé de cinquante ans, l’air grave, mais de physionomie bonne, se présenta à bord, et tendit la main à William Emery. L’astronome, présentant alors le nouveau venu à ses compagnons de voyage, dit :

« Le révérend Thomas Dale, de la Société des Missions de Londres, et le directeur de la station de Lattakou. »

Les Européens saluèrent le révérend Thomas Dale, qui leur souhaita la bienvenue, et se mit à leur entière disposition.

La ville de Lattakou, ou plutôt la bourgade de ce nom, forme la station de missionnaires la plus éloignée du Cap vers le nord. Elle se divise en ancien et nouveau Lattakou. L’ancien, presque abandonné actuellement, que le Queen and Tzar venait d’atteindre, comptait encore, au commence-