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aventures

caissons, barils, colis plus légers ou plus fragiles, trouvèrent aisément place. Quant aux voyageurs proprement dits, une course de quatre milles n’était pour eux qu’une promenade.

À trois heures du soir, le chargement entièrement terminé, le colonel Everest donna le signal du départ. Ses compagnons et lui, sous la conduite de William Emery, prirent les devants. Le bushman, les gens de l’équipage et les conducteurs du chariot suivirent d’un pas plus lent.

Cette marche se fit sans fatigue. Les rampes qui menaient au cours supérieur de l’Orange facilitaient le parcours par cela même qu’elles l’allongeaient considérablement. C’était une heureuse circonstance pour le chariot lourdement chargé, qui, avec un peu plus de temps, atteindrait plus sûrement son but.

Quant aux divers membres de la commission scientifique, ils gravissaient lestement le revers de la colline. La conversation, entre eux, se généralisait. Mais du but de l’expédition, il ne fut aucunement question. Ces Européens admiraient fort les sites grandioses qui se déplaçaient sous leurs yeux. Cette grande nature, si belle dans sa sauvagerie, les charmait comme elle avait charmé le jeune astronome. Leur voyage ne les avait pas encore blasés sur les beautés naturelles de cette région africaine. Ils admiraient, mais avec une admiration contenue, comme des Anglais ennemis de tout ce qui pourrait paraître « improper ». La cataracte obtint de leur part quelques applaudissements de bon goût, du bout des doigts peut-être, mais significatifs. Le nil admirari n’était pas tout à fait leur devise.

D’ailleurs, William Emery croyait devoir faire à ses hôtes les honneurs de l’Afrique australe. Il était chez lui, et comme certains bourgeois trop enthousiastes, il ne faisait pas grâce d’un détail de son parc africain.

Vers quatre heures et demie, les cataractes de Morgheda étaient tournées. Les Européens, parvenus sur le plateau, virent le cours supérieur du fleuve se dérouler devant eux au delà des limites du regard. Ils campèrent donc sur la rive en attendant l’arrivée du chariot.

Le véhicule apparut au sommet de la colline vers cinq heures. Son voyage s’était heureusement accompli. Le colonel Everest fit aussitôt procéder au déchargement, en annonçant que le départ aurait lieu le lendemain matin dès l’aube.

Toute la nuit fut employée à divers travaux. La coque de l’embarcation rajustée en moins d’une heure, la machine de l’hélice remise en place, les cloisons métalliques dressées entre les chambres, les soutes refaites, les divers colis embarqués avec ordre, toutes ces dispositions, rapidement prises, prouvèrent en faveur de l’équipage du Queen and Tzar. Ces An-