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Imbert.

À votre place ?

Marcandier.

Dame, c’est un gaillard qui me coûte vingt mille francs par an, pas un décime de moins.

Imbert.

Qu’est-ce que c’est que cette histoire-là ?

Marcandier.

Une sotte histoire, je vous en réponds. Figurez-vous qu’il y a dix ans ce Frontignac n’avait que la peau sur les os, il toussait, toussait… Bref, il s’en allait à vue d’œil ; il avait déjà dévoré la moitié de sa fortune, il lui restait à peine trois cent mille francs, un joli denier, j’en conviens, mais qui, au taux légal, ne lui eût donné que quinze mille livres de rentes. Or, quinze mille livres de rente pour satisfaire son luxe et son appétit des plaisirs, c’était peu ; alors il se rencontra un brave homme, un imbécile, veux-je dire, qui se fit le raisonnement suivant : à qui retournera cette fortune ? Frontignac est seul, il n’a ni enfants, ni héritiers…

Imbert.

Je comprends… Eh ! parbleu, à moi, se répondit le digne homme.

Marcandier.

Je lui donnerai dix pour cent de son argent, vu le délabrement de son estomac, mais si je les lui paye pendant un an, c’est que je n’aurai pas de chance.

Imbert.

Excellente affaire…

Marcandier.

Excellente action, si vous le voulez bien. Au bout de six