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un drame en livonie.

d’un coup de schnaps, furent rapidement enlevés, et jamais la malle de Riga n’avait roulé à une telle allure.

Le pays offrait toujours le même aspect, de longues plaines, d’où s’échapperait la forte odeur du chanvre pendant l’été. Les routes, le plus souvent tracées par les voitures et les charrettes, laissaient à désirer pour l’entretien. Parfois, on longeait la lisière de vastes forêts, et, invariablement, les mêmes essences, érables, aulnes et bouleaux, puis d’immenses sapinières qui gémissaient sous les rafales. Peu de monde par les chemins, dans les cultures. On sortait à peine du rude hiver de ces hautes latitudes. La malle allait ainsi, de village en village, de hameau en hameau, de relais en relais, sans perdre de temps, grâce aux injonctions de Broks. Aucun retard n’était à prévoir, et, quant à la tourmente, rien à craindre tant qu’elle pousserait par derrière.

Pendant qu’on dételait et qu’on attelait, le garçon de banque et le conducteur mettaient pied à terre. Mais le voyageur inconnu ne quittait jamais sa place. Seulement il profitait de ce qu’il se trouvait seul, pour jeter un coup d’œil au-dehors.

« Pas remuant, notre compagnon ! répétait Poch.

— Pas causeur, non plus !… répondait Broks.

— Tu ne sais pas qui c’est ?

— Non… et je n’ai pas seulement vu la couleur de sa barbe !

— Il faudra bien qu’il se décide à montrer son visage, quand nous dînerons au relais de midi…

À moins qu’il ne mange pas plus qu’il ne parle ! » riposta Broks.

Avant d’atteindre le village où la malle devait faire halte à l’heure du dîner, combien de misérables hameaux se rencontrèrent sur sa route : cabanes à peine habitables, cahutes de pauvres, aux volets toujours rabaissés et dont les planches disjointes livraient passage aux âpres bises de l’hiver ! Et cepen-