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en malle-poste.

— Où serons-nous ce soir ?

— À Pernau, si le temps ne nous contrarie pas trop. Avec ces bourrasques, on ne sait jamais…

— Est-ce qu’il y a des retards à craindre ?… demanda le garçon de banque.

— Hum, fit Broks, je ne suis pas content du ciel ! Les nuages courent avec une rapidité… Enfin, pourvu qu’ils ne nous donnent que de la pluie !… Mais s’il tombe de la neige…

— Voyons, Broks, en n’économisant pas le coup de schnaps aux postillons, nous serons à Revel demain soir…

— C’est à souhaiter ! Trente-six heures, je ne mets pas plus de temps, d’habitude.

— Alors, répondit Poch, en route et ne flânons pas !

— Voici les chevaux attelés, répliqua Broks. Je n’attends plus personne… Le coup du départ, Poch… schnaps ou vodka ?…

— Schnaps », répondit le garçon de banque.

Ils allèrent au cabaret en face, après avoir fait signe au postillon de les suivre. Deux minutes après, ils revenaient du côté de la malle, où le voyageur inconnu avait déjà pris place. Poch s’installa près de lui et la voiture s’ébranla.

Les trois chevaux attelés aux brancards n’étaient guère plus grands que des ânes, fauves de robe, le poil long et rude, d’une maigreur qui laissait voir la saillie de leurs muscles, mais pleins d’ardeur. Le sifflement du iemschick suffisait à les maintenir au bon trot.

Depuis bien des années déjà, Poch appartenait au personnel de la maison Johausen frères. Entré enfant, il y resterait jusqu’à l’âge de sa retraite. Jouissant de toute la confiance de ses maîtres, on le chargeait souvent de porter à des correspondants, soit à Revel, soit à Pernau, soit à Mittau, soit à Dorpat, des sommes importantes qu’il eût été imprudent de confier au service des malles-poste. Cette fois, son portefeuille