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en malle-poste.

Il va de soi que, pendant l’hiver, ni malle-poste, ni télègue, ni aucun véhicule à roues n’aurait pu circuler sur les chemins glacés. On les remplaçait, non sans avantage, par le « perklwsnoïo », sorte de lourd traîneau à patins, que son attelage entraînait assez rapidement à travers les steppes blancs des provinces Baltiques.

Ce matin-là, 13 avril, la malle-poste qui allait partir pour Revel n’attendait qu’un seul voyageur, lequel avait retenu sa place dès la veille. C’était un homme de cinquante ans, qui arriva à l’heure du départ, un type de bonne humeur, figure gaie, bouche souriante. Chaudement vêtu d’un épais caban par-dessus son veston de gros drap, il tenait sous le bras un portefeuille qu’il serrait étroitement.

Lorsqu’il entra dans le bureau, il fut accosté en ces termes par le conducteur de la malle-poste :

« Eh donc, Poch, c’est toi qui as retenu une place dans la malle ?…

— Moi-même, Broks.

— Ainsi une télègue ne te suffit plus !… Il te faut une bonne voiture avec trois bons chevaux…

— Et un bon conducteur comme toi, mon vieil ami…

— Allons, petit père, je vois que tu ne regardes pas à la dépense…

— Non, surtout quand ce n’est pas moi qui paie !

— Et qui est-ce donc ?

— Mon maître… M. Frank Johausen.

— Oh ! s’écria le conducteur, celui-là a le moyen de retenir toute la malle, si cela lui plaît…

— Comme tu dis, Broks, mais, si je n’ai pris qu’une place, j’espère bien que j’aurai des compagnons de voyage ! On s’ennuie moins en route…

— Eh ! mon pauvre Poch, il faudra que tu t’en passes, cette