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un drame en livonie.

dans l’avant-minuit du 11 avril. Là, il se cacherait en attendant qu’il se fût procuré les ressources suffisantes pour prendre passage à bord d’un navire, et ils seraient nombreux les bâtiments qui partiraient dès que la débâcle aurait rendu libre la Baltique.

La marche du fugitif fut rapide, tantôt en plaine, tantôt sur la lisière des sombres bois de sapins et de bouleaux. Parfois, il fallait longer la base d’une colline, tourner d’étroits ravins, franchir des rios à demi gelés entre les joncs et les rocs granitiques de leurs rives. Le sol était moins aride qu’aux approches du lac Peipous, où la terre, mélange de sable jaune, ne se couvre que d’une maigre végétation. À de longs intervalles, apparaissaient des villages endormis, voisins de champs plats et monotones, que la charrue allait bientôt préparer pour la semaille du sarrasin, du seigle, du lin et du chanvre.

La température remontait sensiblement. La neige, demi-fondue, se changeait en boue. Le dégel serait précoce cette année-là.

Vers cinq heures, en avant de la bourgade de Fallen, le fugitif découvrit une sorte de masure isolée, dans laquelle il put se blottir sans avoir rencontré personne. Une partie des provisions fournies par le meunier servit à lui rendre des forces : le sommeil ferait le reste. À six heures du soir eut lieu le départ, après un repos que rien n’avait troublé. Sur les soixante verstes que l’on comptait jusqu’à Pernau, si cette nuit du 9 au 10 avril en absorbait la moitié, cette étape serait l’avant-dernière.

Il en fut ainsi. Au lever du jour, le fugitif dut s’arrêter, mais cette fois, faute de mieux, au plus profond d’un bois de pins à une demi-verste de la route. C’était plus prudent que d’aller demander repas et repos dans quelque ferme ou auberge. On ne rencontre pas toujours des hôtes comme le meunier du lac.

Pendant l’après-midi de cette journée, caché derrière un fourré, l’homme vit passer une escouade d’agents sur la route de Pernau. Cette escouade s’arrêta un instant, comme si son intention