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slave pour slave.

Pernau, ce n’était pas sur cette route qu’il eût convenu de continuer les recherches.

Il va sans dire que le fugitif, immobile au fond du galetas, retenant sa respiration, l’oreille tendue, écoutait ces propos, dont il saurait faire son profit.

« Oui, répondit le brigadier, il y a bien Pernau, et les escouades de Fallen ont été prévenues de surveiller le pays ; mais tout porte à croire que notre évadé marche sur Revel, où un embarquement sera plus prompt. »

C’était l’avis du major Verder, qui dirigeait alors la police de la province de Livonie sous les ordres du colonel Raguenof. Aussi Eck avait-il été renseigné dans ce sens.

Si le colonel Raguenof, slave de naissance, ne partageait pas les antipathies et les sympathies du major Verder, d’origine germanique, celui-ci s’entendait parfaitement, sous ce rapport, avec son subordonné, le brigadier Eck.

Il est vrai, pour les départager, les modérer, les contenir, il y avait au-dessus d’eux le général Gorko, gouverneur des provinces Baltiques.

Ce haut personnage s’inspirait d’ailleurs des idées du gouvernement, qui tendait, ainsi qu’il a été mentionné, à russifier graduellement l’administration des provinces.

La conversation se prolongea quelques minutes encore. Le brigadier dépeignit le fugitif, tel que le portait son signalement, envoyé aux diverses escouades de la région : taille supérieure à la moyenne, constitution robuste, trente-cinq ans d’âge, toute sa barbe blonde et largement fournie, épais cafetan brunâtre, au moment du moins où il avait passé la frontière.

« Pour la seconde fois, répondit le meunier, j’affirme que cet homme-là, — un Russe, avez-vous dit ?…

— Oui… un Russe !

— Eh bien, j’affirme qu’il ne s’est point montré dans notre