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un drame en livonie.

motifs de mon voyage… Ne pouvais-je pas supporter encore quelques jours de ces tristes épreuves pour que tu fusses hors de danger ?…

— Mon père, dit alors Ilka d’une voix ferme, tu entendras pourtant ma réponse. Quoi qu’il puisse arriver, Wladimir a bien agi, et toute ma vie ne suffira plus à lui payer ma reconnaissance…

— Merci, Ilka, merci ! s’écria Wladimir. Je suis déjà payé puisque j’ai pu épargner à votre père qu’il fût accusé un jour de plus ! »

Maintenant, la justification de Dimitri Nicolef, due à l’intervention de Wladimir Yanof, ne faisait plus l’objet d’un doute. La nouvelle s’en était répandue au-dehors. Que MM. Johausen missent un haineux entêtement à n’y pas croire, que le major Verder vît avec un déplaisir évident ce Slave échapper à ses accusations, que les amis du banquier fissent toutes réserves sur l’incident, cela ne saurait étonner, et l’on verra bientôt s’ils avaient déposé les armes devant ce qui paraissait être l’évidence même. Mais on n’ignore pas avec quelle rapidité, trop souvent illogique et peu durable, un revirement se produit dans les foules, sinon dans l’opinion publique. C’est précisément ce qui se passa en cette circonstance. L’effervescence se calma. Il ne serait plus question d’envahir la maison de Dimitri Nicolef, les agents de police n’auraient plus à le protéger contre la fureur populaire.

Mais il restait à régler la situation de Wladimir Yanof. Parce que son âme généreuse, le sentiment du devoir l’avaient ramené à Riga, il n’en était pas moins un condamné politique, un évadé des mines de Sibérie.

Aussi le colonel Raguenof lui dit d’une voix où l’on sentait percer une bienveillance, tempérée par la réserve du fonctionnaire moscovite, d’un chef de police :