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en face de la foule.

se faire ce jour même. Ne devait-on pas redouter une manifestation contre Nicolef, et peut-être convenait-il de prendre quelques précautions…

En effet, on pouvait tout craindre de l’animosité des frères Johausen. Ils avaient résolu de célébrer avec éclat les funérailles du garçon de banque.

Qu’ils voulussent donner ce témoignage de sympathie à un fidèle serviteur, depuis trente ans dans leur maison, soit ! Mais il n’était que trop visible qu’ils voyaient là l’occasion d’imprimer une surexcitation à l’opinion publique.

Sans doute le gouverneur eût agi plus sagement en empêchant cette manifestation, annoncée par les journaux antislavistes. Toutefois, dans l’état actuel des esprits, l’intervention de l’autorité n’aurait-elle pas eu pour résultat de les provoquer à quelques représailles ?

Aussi le mieux semblait-il être d’ordonner les mesures nécessaires afin que le domicile du professeur ne servît pas de théâtre à des violences personnelles.

Il y avait d’autant plus lieu de les prévoir que, pour se rendre au cimetière de Riga, le cortège devait suivre le faubourg et passer devant la maison de Nicolef, — circonstance regrettable qui risquait d’encourager les désordres de la foule.

Dans ces conjectures, le docteur Hamine conseilla de ne point avertir Dimitri Nicolef. Puisqu’il se renfermait d’habitude dans son cabinet et n’en descendait qu’aux heures des repas, bien des angoisses pourraient lui être épargnées, bien des dangers aussi.

Le déjeuner, auquel Ilka avait prié le docteur et M. Delaporte de prendre part, fut silencieux. On ne dit rien de l’enterrement qui était fixé pour l’après-midi. Plus d’une fois, cependant, des cris furieux firent tressaillir les convives, à l’exception du professeur qui ne semblait même pas les entendre. Après le