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un drame en livonie.

Ces raisons étaient de nature à ébranler le gouverneur, qui se débattait contre ces présomptions dont le major Verder et tant d’autres faisaient des certitudes. Aussi se contenta-t-il de répondre au colonel Raguenof :

« Laissons l’enquête se poursuivre… Peut-être d’autres constatations, d’autres témoignages donneront-ils à l’accusation des bases plus solides… On peut avoir confiance dans le juge Kerstorf chargé de l’instruction… C’est un magistrat indépendant, intègre, qui n’écoute que sa conscience et ne subira point d’influences politiques… Il ne devait pas ordonner l’arrestation du professeur sans me consulter, il l’a laissé libre… c’est sans doute ce qu’il y a de mieux à faire… Si de nouvelles circonstances se produisaient et l’exigeaient, je serais le premier à donner l’ordre d’enfermer Nicolef à la forteresse. »

Cependant une certaine agitation commençait à se propager en ville.

La majorité des habitants, on peut l’affirmer, pensait bien que, après son interrogatoire, le professeur serait mis en état d’arrestation, — les uns, dans les hautes classes, parce qu’ils le croyaient coupable, les autres parce que l’affaire exigeait, tout au moins, que l’on s’assurât de sa personne.

Il y eut donc une extrême surprise, mêlée de protestations, lorsqu’on vit Dimitri Nicolef regagner librement son domicile.

Mais la terrible nouvelle avait enfin pénétré dans cette maison. Ilka savait, à présent, que son père se trouvait sous le coup d’une accusation criminelle. Son frère Jean venait d’arriver et l’avait longuement serrée dans ses bras. L’indignation du jeune homme débordait.

Il avait raconté toute la scène entre les étudiants à l’Université de Dorpat.

« Notre père est innocent, s’écria-t-il, et je saurai bien forcer ce misérable Karl…