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un drame en livonie.

qu’ils ne troubleraient point le festival. On ne pénétrerait pas dans la salle du banquet. On ne répondrait pas par des chansons russes aux chansons allemandes, — à la condition, toutefois, de n’être ni provoqué ni insulté. Et qui pouvait répondre de ces têtes échauffées par le vin ?… Jean Nicolef et ses camarades se réuniraient au-dehors, ils fêteraient cet anniversaire à leur façon et resteraient tranquilles si personne ne se hasardait à troubler leur tranquillité.

Cependant la journée s’avançait. En masse, les étudiants occupaient la grande cour de l’Université. Les études chômaient ce jour-là. Rien à faire qu’à se promener par bandes, à s’observer, à s’éviter aussi. On pouvait toujours redouter, même avant l’heure du banquet, qu’un incident quelconque n’occasionnât une provocation d’abord, une conflagration ensuite. Étant donnée la disposition des esprits, peut-être eût-il mieux valu interdire ce festival ?… Mais, d’empêcher la célébration de cet anniversaire, cela n’eût-il pas surexcité les corporations, fourni un prétexte à ces troubles que l’on voulait précisément prévenir ?… Une Université n’est point un collège où l’on s’en tire avec des punitions et des pensums. Ici, il faudrait en arriver aux expulsions, chasser les meneurs, et c’eût été une mesure grave.

Jusqu’à l’heure du banquet — quatre heures du soir — Karl Johausen, Siegfried et leurs amis ne quittèrent pas la cour. La plupart des étudiants venaient échanger quelques paroles avec eux, comme s’ils eussent attendu les instructions de leur chef. Le bruit avait couru que le banquet serait interdit, — bruit erroné d’ailleurs, car, ainsi qu’il a été dit, cette interdiction aurait pu déterminer un éclat.

Mais cela avait suffi pour motiver des allées et venues entre les groupes.

Jean Nicolef et ses camarades, eux, ne voulurent pas s’inquiéter de cet état de choses. Ils se promenaient à l’écart, ainsi qu’ils