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un drame en livonie.

des préparatifs du festival qui passionnait les diverses corporations de l’Université ?…

Et, suivant son habitude, Gospodin s’abandonnait à sa fougue, à son impétuosité naturelle, que Jean essayait en vain de maîtriser.

« Oui, s’écriait-il, ils prétendent nous exclure de leur banquet, ces tudesques !… Ils ont refusé nos cotisations pour que nous n’ayons pas le droit d’y prendre part !… Ils auraient eu honte de choquer leurs verres contre les nôtres !… Mais tout n’est pas dit, et leur repas pourrait bien finir avant le dessert !

— C’est indigne, j’en conviens, répondit Jean. Cependant cela vaut-il la peine que nous allions leur chercher querelle ?… Ils s’obstinent à fêter de leur côté, soit !… fêtons du nôtre, mon cher Gospodin, et nous n’en viderons pas moins gaiement nos gobelets en l’honneur de l’Université ! »

Or, l’impétueux Gospodin ne l’entendait pas ainsi. Accepter cette situation, ce serait une reculade, et il s’emportait, il s’exaltait par ses propres paroles.

« C’est entendu, Jean, répliqua-t-il, tu es le bon sens même, et personne ne doute que tu n’aies autant de courage que de raison !… Quant à moi, je ne suis pas raisonnable, et je ne veux pas l’être ! Je considère que l’attitude de Karl Johausen et de sa bande est injurieuse envers nous, et je ne le souffrirai pas plus longtemps…

— Laisse donc ce Karl, cet Allemand, tranquille, Gospodin, répondit Jean Nicolef et ne t’inquiète ni de ses actes ni de ses paroles !… Dans quelques mois, lui et toi vous aurez quitté l’Université, et il n’est pas probable que vous vous rencontriez jamais, du moins dans des conditions où la question d’origine et de race sera en jeu…

— C’est possible, sage Nestor ! riposta Gospodin, et que c’est beau d’être maître de soi comme tu l’es !… Mais, de partir d’ici