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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

Tom fut alors relevé de son poste à la roue du gouvernail, que Dick Sand vint reprendre.

La brise fraîchissait. Le Pilgrim, donnant une légère bande sur tribord, glissait rapidement à la surface de la mer, en laissant derrière lui un sillage bien plat, qui témoignait de la pureté de ses lignes d’eau.

« Nous voici en bonne route, mistress Weldon, dit alors Dick Sand, et maintenant, que Dieu nous conserve ce vent favorable ! »

Mrs Weldon serra la main du jeune novice. Puis, fatiguée de toutes les émotions de cette dernière heure, elle regagna sa cabine et tomba dans une sorte d’assoupissement pénible qui n’était pas du sommeil.

Le nouvel équipage resta sur le pont du brick-goélette, veillant sur le gaillard d’avant, et prêt à obéir aux ordres de Dick Sand, c’est-à-dire à modifier l’orientation des voiles, suivant les variations du vent ; mais, tant que la brise conserverait et cette force et cette direction, il n’y aurait absolument rien à faire.

Pendant tout ce temps, que devenait donc cousin Bénédict ?

Cousin Bénédict s’occupait d’étudier à la loupe un articulé qu’il avait enfin découvert à bord, un simple orthoptère, dont la tête disparaissait sous le prothorax, un insecte aux élytres plates, à l’abdomen arrondi, aux ailes assez longues, qui appartenait à la famille des blattiens et à l’espèce des blattes américaines.

C’était précisément en furetant dans la cuisine de Negoro, qu’il avait fait cette précieuse trouvaille, et au moment où le maître-coq allait impitoyablement écraser ledit insecte. De là, une colère, que Negoro laissa froidement passer, d’ailleurs.

Mais, ce cousin Bénédict, savait-il quel changement s’était produit à bord depuis le moment où le capitaine Hull et ses compagnons avaient commencé cette funeste pêche de la jubarte ? Oui, sans doute. Il était même sur le pont, lorsque le Pilgrim arriva en vue des débris de la baleinière. L’équipage du brick-goélette avait donc péri sous ses yeux.

Prétendre que cette catastrophe ne l’avait pas touché, ce serait accuser son cœur. Cette pitié pour autrui, que tout le monde ressent, il l’avait certainement éprouvée. Il s’était également ému de la situation faite à sa cousine. Il était venu serrer la main de Mrs Weldon, comme pour lui dire : « N’ayez pas peur ! Je suis là ! Je vous reste ! »

Puis, cousin Bénédict était retourné vers sa cabine, afin de réfléchir, sans doute, aux conséquences de ce désastreux événement, aux mesures énergiques qu’il convenait de prendre !