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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

Mais la jubarte, au dernier degré de la fureur, se retourna, bondit, peut-être, dans les derniers soubresauts d’une agonie terrible, et, de sa queue, elle battit formidablement les eaux troublées dans lesquelles ces malheureux nageaient encore !

Pendant quelques minutes, on ne vit plus qu’une trombe liquide s’éparpillant en gerbes de tous côtés.

Un quart d’heure après, lorsque Dick Sand, qui, suivi des noirs, s’était précipité dans le canot, eut atteint le théâtre de la catastrophe, tout être vivant avait disparu. Il ne restait plus que quelques débris de la baleinière à la surface des eaux rouges de sang.


CHAPITRE IX

capitaine sand.


La première impression que ressentirent les passagers du Pilgrim devant cette terrible catastrophe fut un mélange de pitié et d’horreur. Ils ne songèrent qu’à cette mort épouvantable du capitaine Hull et des cinq matelots du bord. Cette effroyable scène venait de s’accomplir presque sous leurs yeux, sans qu’ils eussent pu rien faire pour les sauver ! Ils n’avaient pu même arriver à temps pour recueillir l’équipage de la baleinière, leurs malheureux compagnons blessés, mais vivants encore, et pour opposer la coque du Pilgrim aux coups formidables de la jubarte ! Le capitaine Hull et ses hommes avaient à jamais disparu.

Lorsque le brick-goélette fut arrivé sur le lieu du sinistre, Mrs Weldon tomba à genoux, les mains levées vers le ciel.

« Prions ! » dit la pieuse femme.

À elle se joignit son petit Jack, qui s’agenouilla en pleurant près de sa mère. Le pauvre enfant avait tout compris. Dick Sand, Nan, Tom, les autres noirs se tinrent debout, la tête inclinée. Tous répétèrent la prière que Mrs Weldon adressa à Dieu en recommandant à sa bonté infinie ceux qui venaient de paraître devant lui.

Puis, Mrs Weldon, se retournant vers ses compagnons :

« Et maintenant, mes amis, dit-elle, demandons au Ciel force et courage pour nous-mêmes ! »