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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

place. Son baleineau n’était plus auprès d’elle, et peut-être cherchait-elle à le retrouver.

Soudain, elle fit un mouvement de queue, qui l’éloigna d’une trentaine de pieds.

Allait-elle donc fuir encore, et faudrait-il reprendre cette interminable poursuite à la surface des eaux ?

« Attention ! cria le capitaine Hull. La bête va prendre son élan et se précipiter sur nous ! Gouverne, Howik, gouverne ! »

La jubarte, en effet, avait évolué de manière à se présenter de front à la baleinière. Puis, battant violemment la mer de ses énormes nageoires, elle fondit en avant.

Le maître d’équipage, qui s’attendait à ce coup direct, évolua de telle façon que la jubarte passa le long de l’embarcation, mais sans l’atteindre.

Le capitaine Hull et les deux matelots lui portèrent trois vigoureux coups de lance au passage, en cherchant à frapper quelque organe essentiel.

La jubarte s’arrêta, et, rejetant à une grande hauteur deux colonnes d’eau mêlée de sang, elle revint de nouveau sur l’embarcation, bondissant pour ainsi dire, effrayante à voir.

Il fallait que ces marins fussent des pêcheurs déterminés pour ne pas perdre la tête en cette occasion.

Howik évita encore adroitement l’attaque de la jubarte, en lançant l’embarcation de côté.

Trois nouveaux coups, portés à propos, firent encore trois nouvelles blessures à l’animal. Mais, en passant, il frappa si rudement l’eau de sa formidable queue, qu’une lame énorme s’éleva, comme si la mer se fût démontée subitement.

La baleinière faillit chavirer, et, l’eau embarquant par-dessus le bord, elle se remplit à demi.

« Le seau, le seau ! » cria le capitaine Hull.

Les deux matelots, abandonnant leurs avirons, se mirent à vider rapidement la baleinière, pendant que le capitaine coupait la ligne, devenue maintenant inutile.

Non ! l’animal, rendu furieux par la douleur, ne songeait plus à fuir. À son tour, il attaquait, et son agonie menaçait d’être terrible.

Une troisième fois, il se retourna « cap pour cap », eût dit un marin, et il se précipita de nouveau sur l’embarcation.

Mais la baleinière, à demi pleine d’eau, ne pouvait plus manœuvrer avec la