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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

gourmande est occupée de la sorte, qu’il est plus facile de l’approcher sans exciter sa défiance. C’est donc le moment favorable pour la harponner avec quelque succès. »

À cet instant, et comme pour donner raison au capitaine Hull, la voix d’un matelot se fit entendre à l’avant du navire :

« Une baleine par bâbord devant ! »

Le capitaine Hull s’était redressé.

« Une baleine ! » s’écria-t-il.

Et son instinct de pêcheur le poussant, il se précipita sur le gaillard du Pilgrim.

Mrs Weldon, Jack, Dick Sand, cousin Bénédict lui-même, le suivirent aussitôt.

En effet, à quatre milles dans le vent, certain bouillonnement indiquait qu’un gros mammifère marin se mouvait au milieu des eaux rouges. Des baleiniers ne pouvaient s’y méprendre.

Mais la distance était trop considérable encore pour qu’il fût possible de reconnaître l’espèce à laquelle ce mammifère appartenait. Ces espèces, en effet, sont assez distinctes.

Était-ce là une de ces baleines franches que recherchent plus particulièrement les pêcheurs des mers du Nord ? Ces cétacés, auxquels manque la nageoire dorsale, mais dont la peau recouvre une épaisse couche de lard, peuvent atteindre une longueur de quatre-vingts pieds, bien que la moyenne n’en dépasse pas soixante, et alors un seul de ces monstres fournit jusqu’à cent barils d’huile.

Était-ce, au contraire, un « hump-back », appartenant à l’espèce des baleinoptères, — désignation dont le terminatif aurait au moins dû lui valoir l’estime de l’entomologiste. Ceux-là possèdent des nageoires dorsales, blanches de couleur et longues de la demi-longueur du corps, qui ressemblent à une paire d’ailes, — quelque chose comme une baleine volante ?

N’avait-on pas en vue, plus vraisemblablement, un « fin-back », mammifère également connu sous le nom de « jubarte », qui est pourvu d’une nageoire dorsale, et dont la longueur peut égaler celle de la baleine franche ?

Le capitaine Hull et son équipage ne pouvaient encore se prononcer, mais ils regardaient l’animal avec plus d’envie encore que d’admiration.

S’il est vrai qu’un horloger ne puisse se trouver dans un salon en présence d’une pendule sans éprouver l’irrésistible besoin de la remonter, combien plus encore le baleinier devant une baleine doit-il être pris de l’impérieux désir de