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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

— Eh bien, plus haut encore ! Au bout de ton bras !

Et Hercule, tenant les deux petits pieds de l’enfant dans sa large main, le promenait comme fait un gymnaste dans un cirque. Jack se voyait grand, grand, ce qui l’amusait beaucoup. Il essayait même de « faire le lourd », — ce dont le colosse ne s’apercevait même pas.

Dick Sand et Hercule, cela faisait donc deux amis au petit Jack. Il ne tarda pas à s’en faire un troisième.

Ce fut Dingo.

Il a été dit que Dingo était un chien peu sociable. Cela tenait, sans doute, à ce que la société du Waldeck ne lui convenait pas. À bord du Pilgrim, ce fut tout autre chose. Jack, probablement, sut toucher le cœur du bel animal. Celui-ci prit bientôt plaisir à jouer avec le petit garçon, à qui ce jeu plaisait. On reconnut bientôt que Dingo était de ces chiens qui ont un goût particulier pour les enfants. Jack, d’ailleurs, ne lui faisait aucun mal. Son plus grand plaisir était de transformer Dingo en un coursier rapide, et il est permis d’affirmer qu’un cheval de cette espèce est bien supérieur à un quadrupède en carton, même quand celui-ci a des roulettes aux pattes. Jack galopait donc à poil sur le chien, qui se laissait faire volontiers, et, en vérité, Jack ne lui pesait pas plus que la moitié d’un jockey à un cheval de course.

Mais aussi quelle brèche faite chaque jour à la provision de sucre de la cambuse !

Dingo devint bientôt le favori de tout l’équipage. Seul, Negoro continua d’éviter toute rencontre avec l’animal, dont l’antipathie pour lui était toujours aussi vive qu’inexplicable.

Cependant, le petit Jack n’avait point négligé pour Dingo Dick Sand, son ami de vieille date. Tout le temps que ne réclamait pas le service du bord, le novice le passait avec le petit garçon.

Mrs Weldon, cela va sans dire, voyait toujours cette intimité avec la plus complète satisfaction.

Un jour, le 6 février, elle parlait de Dick Sand au capitaine Hull, et le capitaine faisait le plus grand éloge du jeune novice.

« Ce garçon-là, disait-il à Mrs Weldon, sera un jour un bon marin, je m’en porte garant ! Il a véritablement l’instinct de la mer, et, par cet instinct, il supplée à ce qu’il ignore encore forcément des choses théoriques du métier. Ce qu’il sait déjà est étonnant, lorsqu’on songe au peu de temps qu’il a eu pour l’apprendre.

— Il faut ajouter, répondit Mrs Weldon, que c’est aussi un excellent sujet,