Page:Verne - Un capitaine de quinze ans, Hetzel, 1878.djvu/380

Cette page a été validée par deux contributeurs.
370
UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

En ce moment, les indigènes, voulant essayer de gagner la rive gauche à la nage, se jetèrent hors de l’embarcation qu’ils firent chavirer.

Dick Sand n’avait rien perdu de son sang-froid en face de la mort qui le menaçait. Une dernière pensée lui vint alors, c’est que cette barque, par cela même qu’elle flottait la quille en l’air, pouvait servir à le sauver.

En effet, deux dangers étaient à redouter au moment où Dick Sand serait engagé dans la cataracte : l’asphyxie par l’eau, l’asphyxie par l’air. Or, cette coque renversée, c’était comme une boîte dans laquelle il pourrait peut-être maintenir sa tête hors de l’eau, en même temps qu’il serait à l’abri de l’air extérieur qui l’eût certainement étouffé dans la rapidité de sa chute. Dans ces conditions, il semble qu’un homme aurait quelque chance d’échapper à la double asphyxie, même en descendant les cataractes d’un Niagara !

Dick Sand vit tout cela comme dans un éclair. Par un dernier instinct, il s’accrocha au banc qui reliait les deux bords de l’embarcation, et, la tête hors de l’eau sous la coque renversée, il sentit l’irrésistible courant l’entraîner, et la chute presque perpendiculaire se produire…

La pirogue s’enfonça dans l’abîme creusé par les eaux au pied de la cataracte, et, après avoir plongé profondément, revint à la surface du fleuve. Dick Sand, bon nageur, comprit que son salut était maintenant dans la vigueur de ses bras…

Un quart d’heure après, il atteignait la rive gauche, et il y retrouvait Mrs Weldon, le petit Jack et cousin Bénédict, qu’Hercule y avait conduits en toute hâte.

Mais déjà les cannibales avaient disparu dans le tumulte des eaux. Eux, que l’embarcation chavirée ne protégeait pas, avaient cessé de vivre même avant d’avoir atteint les dernières profondeurs de l’abîme, et leurs corps allaient se déchirer à ces roches aiguës auxquelles se brisait le courant inférieur du fleuve.