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S. V.

Mrs Weldon et Hercule, blottis dans les massifs de papyrus, la suivaient du regard.

Dick Sand eut bientôt atteint le milieu du fleuve. Le courant, sans être très fort, s’y accentuait un peu par l’attraction des chutes. À quatre cents pieds en aval, l’imposant mugissement des eaux emplissait l’espace, et quelques embruns, enlevés par le vent d’ouest, arrivaient jusqu’au jeune novice. Il frémissait à la pensée que la pirogue, si elle eût été moins surveillée pendant la dernière nuit, se fût perdue dans ces cataractes, qui n’auraient rendu que des cadavres ! Mais cela n’était plus à craindre, et, en ce moment, la godille, habilement manœuvrée, suffisait à la maintenir dans une direction un peu oblique au courant.

Un quart d’heure après, Dick Sand avait atteint la rive opposée et se préparait à sauter sur la berge…

En ce moment, des cris éclatèrent, et une dizaine d’indigènes se précipitaient sur l’amas d’herbes qui cachait encore l’embarcation.

C’étaient les cannibales du village lacustre. Pendant huit jours, ils avaient suivi la rive droite de la rivière. Sous ce chaume, qui s’était déchiré aux pilotis de leur bourgade, ils avaient découvert les fugitifs, c’est-à-dire une proie assurée pour eux, puisque le barrage des chutes obligerait tôt ou tard ces infortunés à débarquer sur l’une ou l’autre rive.

Dick Sand se vit perdu, mais il se demanda si le sacrifice de sa vie ne pourrait pas sauver ses compagnons. Maître de lui, debout sur l’avant de l’embarcation, son fusil épaulé, il tenait les cannibales en respect.

Cependant, ceux-ci avaient arraché tout le chaume sous lequel ils croyaient trouver d’autres victimes. Lorsqu’ils virent que le jeune novice était seul tombé entre leurs mains, ce fut un désappointement qui se traduisit par d’épouvantables vociférations. Un garçon de quinze ans pour dix !

Mais alors, un de ces indigènes se releva, son bras se tendit vers la rive gauche, et il montra Mrs Weldon et ses compagnons, qui, ayant tout vu, ne sachant quel parti prendre, venaient de remonter la berge !

Dick Sand, ne songeant pas même à lui, attendait du ciel une inspiration qui pût les sauver.

L’embarcation avait été poussée au large. Les cannibales allaient passer la rivière. Devant le fusil braqué sur eux, ils ne bougeaient pas, connaissant l’effet des armes à feu. Mais l’un d’eux avait saisi la godille, il la manœuvrait en homme qui savait s’en servir, et la pirogue traversait obliquement le fleuve. Bientôt, elle ne fut plus qu’à cent pieds de la rive gauche.