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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

Il n’acheva pas, et se baissant, il ramassa une petite boîte de cuivre tout oxydée, qui se trouvait dans un coin de la hutte.

Cette boîte fut ouverte, et il s’en échappa un morceau de papier, sur lequel Dick Sand lut ces quelques mots :

« Assassiné… volé par mon guide Negoro… 3 décembre 1871… ici… à 120 milles de la côte… Dingo !… à moi !… »

« S. VERNON. »

Le billet disait tout. Samuel Vernon, parti avec son chien Dingo pour explorer le centre de l’Afrique, était guidé par Negoro. L’argent qu’il emportait avait excité la convoitise du misérable qui résolut de s’en emparer. Le voyageur français, arrivé sur ce point des rives du Congo, avait établi son campement dans cette hutte. Là, il fut mortellement frappé, volé, abandonné… Le meurtre accompli, Negoro prit la fuite sans doute, et ce fut alors qu’il tomba entre les mains des Portugais. Reconnu comme un des agents du traitant Alvez, conduit à Saint-Paul de Loanda, il fut condamné à finir ses jours dans un des pénitenciers de la colonie. On sait qu’il parvint à s’évader, à gagner la Nouvelle-Zélande, et comment il s’embarqua sur le Pilgrim pour le malheur de ceux qui y avaient pris passage. Mais qu’était-il arrivé après le crime ? rien qui ne fût facile à comprendre ! L’infortuné Vernon, avant de mourir, avait évidemment eu le temps d’écrire le billet qui, avec la date et le mobile de l’assassinat, donnait le nom de l’assassin. Ce billet, il l’avait enfermé dans cette boîte où, sans doute, se trouvait l’argent volé, et, dans un dernier effort, son doigt ensanglanté avait tracé comme une épitaphe les initiales de son nom… Devant ces deux lettres rouges, Dingo avait dû rester bien des jours ! Il avait appris à les connaître ! Il ne devait plus les oublier ! Puis, revenu à la côte, il avait été recueilli par le capitaine du Waldeck et enfin à bord du Pilgrim, où il se retrouvait avec Negoro. Pendant ce temps, les ossements du voyageur blanchissaient au fond de cette forêt perdue de l’Afrique centrale, et il ne revivait plus que dans le souvenir de son chien. Oui ! les choses avaient dû se passer ainsi, et Dick Sand et Hercule se disposaient à donner une sépulture chrétienne aux restes de Samuel Vernon, lorsque Dingo, poussant un hurlement de rage, cette fois, s’élança hors de la hutte.

Presque aussitôt, des cris horribles se firent entendre à courte distance. Évidemment, un homme était aux prises avec le vigoureux animal.