Page:Verne - Un capitaine de quinze ans, Hetzel, 1878.djvu/37

Cette page a été validée par deux contributeurs.
27
LES SURVIVANTS DU WALDECK

Le capitaine Hull ne l’ignorait pas.

Bien que ces parages ne fussent pas fréquentés d’ordinaire par les négriers, il se demanda si les noirs dont il venait d’opérer le sauvetage n’étaient pas les survivants d’une cargaison d’esclaves, que le Waldeck allait vendre à quelque colonie du Pacifique. En tout cas, si cela était, ces noirs redevenaient libres, par le seul fait d’avoir mis le pied à son bord, et il lui tardait de le leur apprendre.

En attendant, les soins les plus empressés avaient été prodigués aux naufragés du Waldeck. Mrs Weldon, aidée de Nan et de Dick Sand, leur avait administré un peu de cette bonne eau fraîche, dont ils devaient être privés depuis plusieurs jours, et cela, avec quelque nourriture, suffit pour les rappeler à la vie.

Le plus vieux de ces noirs, — il pouvait être âgé de soixante ans, — fut bientôt en état de parler, et il put répondre en anglais aux questions qui lui furent adressées.

« Le navire qui vous transportait a été abordé ? demanda tout d’abord le capitaine Hull.

— Oui, répondit le vieux noir. Il y a dix jours, notre navire a été abordé pendant une nuit très sombre. Nous dormions…

— Mais les gens du Waldeck, que sont-ils devenus ?

— Ils n’étaient déjà plus là, monsieur, lorsque mes compagnons et moi nous sommes remontés sur le pont.

— L’équipage a-t-il donc pu sauter à bord du navire qui a rencontré le Waldeck ? demanda le capitaine Hull.

— Peut-être, et même il faut l’espérer pour lui !

— Et ce navire, après le choc, n’est pas revenu pour vous recueillir ?

— Non.

— A-t-il donc sombré lui-même ?

— Il n’a pas sombré, répondit le vieux noir en secouant la tête, car nous avons pu le voir fuir dans la nuit. »

Ce fait, qui fut attesté par tous les survivants du Waldeck, peut paraître incroyable. Il n’est que trop vrai, cependant, que des capitaines, après quelque terrible collision, due à leur imprudence, ont souvent pris la fuite sans s’inquiéter des infortunés qu’ils avaient mis en perdition, sans essayer de leur porter secours !

Que des cochers en fassent autant et laissent à d’autres, sur la voie publique, le soin de réparer le malheur qu’ils ont causé, cela est déjà condamnable.