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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

moelle, dont la saveur est sucrée, fut appréciée de tous, — du petit Jack plus particulièrement.

Ce n’était qu’une substance peu réconfortante, cependant ; mais, le lendemain, grâce au cousin Bénédict, on fut mieux servi.

Depuis la découverte de l’« Hexapodes Benedictus », qui devait immortaliser son nom, cousin Bénédict avait repris ses allures. L’insecte mis en lieu sûr, c’est-à-dire piqué dans la coiffe de son chapeau, le savant s’était remis en quête pendant les heures de débarquement. Ce fut ce jour-là, en furetant dans les hautes herbes, qu’il fit lever un oiseau dont le ramage attira son attention.

Dick Sand allait le tirer, lorsque cousin Bénédict s’écria :

« Ne tirez pas, Dick, ne tirez pas ! Un oiseau pour cinq personnes, ce serait insuffisant !

— Il suffira à Jack, répondit Dick Sand, en ajustant une seconde fois l’oiseau qui ne se hâtait pas de s’envoler.

— Non ! non ! reprit cousin Bénédict ! Ne tirez pas. C’est un indicateur, et il va nous procurer du miel en abondance ! »

Dick Sand abaissa son fusil, estimant, en somme, que quelques livres de miel valaient mieux qu’un oiseau, et, aussitôt cousin Bénédict et lui de suivre l’indicateur, qui, se posant et s’envolant tour à tour, les invitait à l’accompagner.

Ils n’eurent pas à aller loin, et, quelques minutes après, de vieux troncs cachés entre les euphorbes apparaissaient au milieu d’un intense bourdonnement d’abeilles.

Cousin Bénédict eût peut-être voulu ne pas dépouiller ces industrieux hyménoptères « du fruit de leur travail » — ce fut ainsi qu’il s’exprima. Mais Dick Sand ne l’entendit pas ainsi. Il enfuma les abeilles avec des herbes sèches, et s’empara d’une quantité considérable de miel. Puis, abandonnant à l’indicateur les gâteaux de cire, qui forment sa part de profit, cousin Bénédict et lui revinrent à l’embarcation.

Le miel fut bien reçu, mais c’eût été peu, en somme, et tous auraient cruellement souffert de la faim, si, dans la journée du 12, la pirogue ne se fût pas arrêtée près d’une crique où pullulaient les sauterelles. C’était par myriades, sur deux et trois rangs, qu’elles couvraient le sol et les arbustes. Or, cousin Bénédict, n’ayant pas manqué de dire que les indigènes se nourrissent fréquemment de ces orthoptères, — ce qui était parfaitement exact, — on fit main basse sur cette manne. Il y avait de quoi en charger dix fois l’embarcation, et, grillées au-dessus d’un feu doux, ces sauterelles comestibles eussent paru excellentes, même à des