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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

roches, troncs d’arbres, hauts-fonds du fleuve. De plus, il y avait à craindre que ce courant ne se changeât en rapides, en cataractes, ce qui est fréquent sur les rivières africaines.

Dick Sand, auquel la joie d’avoir revu Mrs Weldon et son enfant avait rendu ses forces, s’était posté à l’avant de la pirogue. À travers les longues herbes, son regard observait le cours en aval, et, soit de la voix, soit du geste, il indiquait à Hercule, dont la vigoureuse main tenait la godille, ce qu’il fallait faire pour se maintenir en bonne direction.

Mrs Weldon, étendue au centre, sur une litière de feuilles sèches, s’absorbait dans ses pensées. Cousin Bénédict, taciturne, fronçant le sourcil à la vue d’Hercule, auquel il ne pardonnait pas son intervention dans l’affaire de la manticore, songeant à sa collection perdue, à ses notes d’entomologiste dont les indigènes de Kazonndé n’apprécieraient pas la valeur, était là, les jambes allongées, les bras croisés sur la poitrine, et, parfois, il faisait le geste instinctif de relever sur son front les lunettes que son nez ne supportait plus. Quant au petit Jack, il avait compris qu’il ne fallait pas faire de bruit ; mais, comme remuer n’était pas défendu, il imitait son ami Dingo et courait à quatre pattes d’un bout de l’embarcation à l’autre.

Pendant les deux premiers jours, la nourriture de Mrs Weldon et de ses compagnons se prit sur les réserves qu’Hercule avait pu se procurer avant le départ. Dick Sand ne s’arrêta donc que pendant quelques heures de nuit, afin de se donner un peu de repos. Mais il ne débarqua pas, ne voulant le faire que lorsque la nécessité de renouveler les provisions l’y obligerait.

Nul incident ne marqua ce début du voyage sur cette rivière inconnue, qui ne mesurait pas, en moyenne, plus de cent cinquante pieds de large. Quelques îlots dérivaient à sa surface et marchaient avec la même vitesse que l’embarcation. Donc, nulle crainte de les aborder, si quelque obstacle ne les arrêtait pas.

Les rives, d’ailleurs, semblaient être désertes. Évidemment, ces portions du territoire de Kazonndé étaient peu fréquentées par les indigènes.

Sur les berges, nombre de plantes sauvages se reproduisaient à profusion et les relevaient des plus vives couleurs. Asclépias, glaïeuls, lis, clématites, balsamines, ombellifères, aloès, fougères arborescentes, arbustes odoriférants, formaient une bordure d’un incomparable éclat. Quelques forêts venaient aussi tremper leur lisière dans ces eaux rapides. Des arbres à copal, des acacias à feuilles raides, des « bauhinias » à bois de fer, dont le tronc avait revêtu une fourrure de lichens du côté exposé aux vents les plus froids, des figuiers qui s’éle-