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UN MGANNGA

On le comprit. La reine Moina, montrant Mrs Weldon, fit un geste de menace. Les indigènes, proférant des cris plus terribles, se précipitèrent vers elle.

Mrs Weldon se crut perdue, et saisissant son fils entre ses bras, elle demeura immobile comme une statue devant cette foule surexcitée.

Le mgannga alla vers elle. On s’écarta devant ce devin, qui, avec la cause du mal, semblait en avoir trouvé le remède.

Le traitant Alvez, pour qui la vie de la prisonnière était précieuse, s’approcha aussi, ne sachant trop que faire.

Le mgannga avait saisi le petit Jack, et, l’arrachant des bras de sa mère, il le tendit vers le ciel. On put croire qu’il allait lui briser la tête contre le sol pour apaiser les dieux !

Mrs Weldon poussa un cri terrible, et tomba à terre, évanouie.

Mais le mgannga, après avoir adressé à la reine un signe, qui sans doute la rassura sur ses intentions, avait relevé la malheureuse mère, et il l’emportait avec son enfant, tandis que la foule, absolument dominée, s’écartait pour lui faire place.

Alvez, furieux, ne l’entendait pas ainsi. Après avoir perdu un prisonnier sur trois, puis voir s’échapper le dépôt confié à sa garde, et, avec le dépôt, la grosse prime que lui réservait Negoro, jamais, dût tout le territoire de Kazonndé s’abîmer sous un nouveau déluge ! Il voulut s’opposer à cet enlèvement.

Ce fut contre lui alors que s’ameutèrent les indigènes. La reine le fit saisir par ses gardes, et, sachant ce qu’il pourrait lui en coûter, le traitant dut se tenir coi, tout en maudissant la stupide crédulité des sujets de l’auguste Moina.

Ces sauvages, en effet, s’attendaient à voir les nuages disparaître avec ceux qui les avaient attirés, et ils ne doutaient pas que le magicien ne voulût éteindre dans le sang des étrangers les pluies dont ils avaient tant souffert.

Cependant, le mgannga emportait ses victimes, comme un lion eût fait d’un couple de chevreaux qui ne pèse pas à sa gueule puissante, le petit Jack épouvanté, Mrs Weldon sans connaissance, tandis que la foule, au dernier degré de la fureur, le suivait de ses hurlements ; mais il sortit de l’enceinte, traversa Kazonndé, rentra sous la forêt, marcha pendant près de trois milles, sans que son pied faiblît un instant, et seul enfin, — les indigènes ayant compris qu’il ne voulait pas être suivi davantage, — il arriva près d’une rivière, dont le rapide courant fuyait vers le nord.

Là, au fond d’une large cavité, derrière les longues herbes pendantes d’un