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UN MGANNGA

Et, cependant, cousin Bénédict n’était plus dans l’établissement de José Antonio Alvez !

Pendant toute cette journée, Mrs Weldon le chercha obstinément. Le petit Jack et l’esclave Halima se joignirent à elle. Ce fut inutile.

Mrs Weldon fut alors forcée d’adopter cette hypothèse peu rassurante : c’est que le prisonnier avait été enlevé par ordre du traitant et pour des motifs qui lui échappaient. Mais alors, qu’en avait fait Alvez ? L’avait-il incarcéré dans un des baracons de la grande place ? Pourquoi cet enlèvement, venant après la convention faite entre Mrs Weldon et Negoro, convention qui comprenait cousin Bénédict au nombre des prisonniers que le traitant devait conduire à Mossamédès pour être remis, contre rançon, entre les mains de James W. Weldon ?

Si Mrs Weldon avait pu être témoin de la colère d’Alvez, lorsque celui-ci apprit la disparition du prisonnier, elle eût compris que cette disparition s’était bien faite contre son gré. Mais alors, si cousin Bénédict s’était évadé volontairement, pourquoi ne l’avait-il pas mise dans le secret de son évasion ?

Toutefois, les recherches d’Alvez et de ses serviteurs, qui furent faites avec le plus grand soin, amenèrent la découverte de cette taupinière, qui mettait la factorerie en communication directe avec la forêt voisine. Le traitant ne mit plus en doute que le « coureur de mouches » ne se fût envolé par cette étroite ouverture. On juge donc de sa fureur, quand il se dit que cette fuite serait sans doute mise à son compte et diminuerait d’autant la prime qu’il devait toucher dans l’affaire.

« Il ne valait pas grand-chose, cet imbécile, pensait-il, et, cependant, on me le fera payer cher ! Ah ! si je le reprends !… »

Mais, malgré les recherches qui furent faites à l’intérieur, et bien que les bois eussent été battus dans un large rayon, il fut impossible de retrouver aucune trace du fugitif. Mrs Weldon dut se résigner à la perte de son cousin, et Alvez faire son deuil du prisonnier. Comme on ne pouvait admettre que celui-ci eût établi des relations avec le dehors, il parut évident que le hasard seul lui avait fait découvrir l’existence de cette taupinière, et qu’il avait pris la fuite, sans plus penser à ceux qu’il laissait derrière lui que s’ils n’avaient jamais existé.

Mrs Weldon fut forcée de s’avouer qu’il devait en être ainsi, mais elle ne songea même pas à en vouloir à ce pauvre homme, parfaitement inconscient de ses actes.

« Le malheureux ! que sera-t-il devenu ? » se demandait-elle.