Page:Verne - Un capitaine de quinze ans, Hetzel, 1878.djvu/337

Cette page a été validée par deux contributeurs.
327
PEUT CONDUIRE UNE MANTICORE

ayant retenu certains mots de la langue indigène, arriva bientôt à pouvoir échanger quelques paroles avec la jeune esclave.

Le petit Jack accompagnait souvent sa mère, lorsque celle-ci se promenait dans l’enceinte, mais il aurait bien voulu aller au dehors. Il y avait là, pourtant, dans un énorme baobab, des nids de marabouts, formés de quelques baguettes, et des nids de « souimangas », à plastron et à gorge écarlates, qui ressemblent à ceux des tisserins ; puis des « veuves », qui dépouillaient les chaumes au profit de leur famille ; des « calaos », dont le chant était agréable ; des perroquets gris clair à queue rouge, qui, dans le Manyema, s’appellent « rouss », et donnent leur nom aux chefs des tribus ; des « drougos » insectivores, semblables à des linottes grises qui auraient un gros bec rouge. Çà et là, voltigeaient aussi des centaines de papillons d’espèces différentes, surtout dans le voisinage des ruisseaux qui traversaient la factorerie ; mais c’était plutôt l’affaire de cousin Bénédict que celle du petit Jack, et celui-ci regrettait bien de ne pas être plus grand, afin de regarder par-dessus les murs. Hélas ! où était son pauvre ami Dick Sand, lui qui l’emmenait si haut dans la mâture du Pilgrim ! Comme il l’eût suivi sur les branches de ces arbres dont la cime s’élevait à plus de cent pieds ! Quelles bonnes parties ils auraient faites ensemble !

Cousin Bénédict, lui, se trouvait toujours très bien où il était, pourvu que les insectes ne lui fissent pas défaut. Il avait heureusement découvert à la factorerie, — et il étudiait, autant qu’il le pouvait, sans loupe ni lunettes, — une abeille minuscule qui formait ses alvéoles entre les vermoulures du bois, et un « sphex » qui pond ses œufs dans des cellules qui ne sont pas à lui, comme fait le coucou dans le nid des autres. Les moustiques ne manquaient pas non plus, au bord des rivulettes, et ils le tatouaient de piqûres au point de le rendre méconnaissable. Et lorsque Mrs Weldon lui reprochait de se laisser ainsi dévorer par ces malfaisants insectes :

« C’est leur instinct, cousine Weldon, lui répondait-il en se grattant jusqu’au sang, c’est leur instinct, et il ne faut pas leur en vouloir ! »

Enfin, un jour, — c’était le 17 juin, — cousin Bénédict fut sur le point d’être le plus heureux des entomologistes. Mais cette aventure, qui eut des conséquences inattendues, veut être racontée avec quelques détails.

Il était environ onze heures du matin. Une insoutenable chaleur avait obligé les habitants de la factorerie à se tenir dans leurs huttes, et l’on n’eût pas même rencontré un seul indigène dans les rues de Kazonndé.

Mrs Weldon était assoupie près du petit Jack, qui dormait.