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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

grands coups de pilons dans des mortiers de bois jusqu’à parfaite décortication ; le mondage et le vannage du maïs, et toutes les manipulations nécessaires à en retirer une substance granuleuse qui sert à composer ce potage nommé « mtyellé » dans le pays ; la récolte du sorgho, espèce de grand millet, dont la déclaration de maturité venait d’être solennellement faite à cette époque ; l’extraction de cette huile odorante des drupes du « mpafou », sortes d’olives dont l’essence forme un parfum recherché des indigènes ; le filage du coton, dont les fibres sont tordues au moyen d’un fuseau long d’un pied et demi auquel les fileuses impriment un rapide mouvement de rotation ; la fabrication au maillet d’étoffes d’écorce ; l’extraction des racines de manioc, et la préparation de la terre pour les divers produits de la contrée : cassave, farine que l’on retire du manioc, fèves dont les gousses, longues de quinze pouces, nommées « mositsanés », viennent sur des arbres hauts de vingt pieds, arachides destinées à faire de l’huile, pois vivaces d’un bleu clair, connus sous le nom de « tchilobés », dont les fleurs relèvent le goût un peu fade de la bouillie de sorgho, café indigène, cannes à sucre, dont le jus se réduit en sirop, oignons, goyaves, sésame, concombres, dont les graines se font griller comme des châtaignes ; préparation des boissons fermentées, le « malofou », fait avec des bananes, le « pombé » et autres liqueurs ; soins des animaux domestiques, de ces vaches qui ne se laissent traire qu’en présence de leur petit ou d’un veau empaillé, de ces génisses de petite race, à courtes cornes, dont quelques-unes ont une bosse, de ces chèvres qui, dans la contrée où leur chair sert à l’alimentation, sont un important objet d’échange, on pourrait dire une monnaie courante comme l’esclave ; enfin entretien des volailles, porcs, moutons, bœufs, etc. ; — cette longue énumération montre quels rudes labeurs incombent au sexe faible dans ces régions sauvages du continent africain.

Pendant ce temps, les hommes fument le tabac ou le chanvre, chassent l’éléphant ou le buffle, se louent au compte des traitants pour les razzias. Récolte de maïs ou d’esclaves, c’est toujours une récolte qui se fait en des saisons déterminées.

De ces diverses occupations, Mrs Weldon ne connaissait donc à la factorerie d’Alvez que la part dévolue aux femmes. Quelquefois, elle s’arrêtait, les regardant, pendant que celles-ci, il faut bien le dire, ne lui répondaient que par des grimaces peu engageantes. Un instinct de race portait ces malheureuses à haïr une blanche, et, dans leur cœur, on n’eût trouvé aucune commisération pour elle. La seule Halima faisait exception, et Mrs Weldon,