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L’INTÉRIEUR D’UNE FACTORIE

et les siens. Le vieux noir, son fils Bat, Actéon et Austin étaient partis la veille avec la caravane du traitant d’Oujiji, sans avoir eu la consolation de revoir Mrs Weldon, sans même savoir que leur compagne de misère se trouvait à Kazonndé, dans l’établissement d’Alvez. Ils étaient partis pour la contrée des lacs, un voyage qui se chiffre par centaines de milles, que bien peu accomplissent et dont bien peu reviennent !

« Eh bien ! murmura Mrs Weldon, regardant Negoro sans répondre.

Mistress Weldon, reprit le Portugais d’une voix brève, je pourrais me venger sur vous des mauvais traitements que j’ai subis à bord du Pilgrim ! Mais la mort de Dick Sand suffira à ma vengeance ! Maintenant, je redeviens marchand, et voici quels sont mes projets à votre égard ! »

Mrs Weldon le regardait toujours sans prononcer une parole.

« Vous, reprit le Portugais, votre enfant et cet imbécile qui court après des mouches, vous avez une valeur commerciale que je prétends utiliser. Aussi, je vais vous vendre !

— Je suis de race libre, répondit Mrs Weldon d’un ton ferme.

— Vous êtes une esclave, si je le veux.

— Et qui achèterait une blanche ?

— Un homme qui la payera ce que je lui en demanderai ! »

Mrs Weldon baissa un instant la tête, car elle savait que tout était possible dans cet affreux pays.

« Vous m’avez entendu ? reprit Negoro.

— Quel est cet homme à qui vous prétendez me vendre ? répondit Mrs Weldon.

— Vous vendre ou vous revendre !… Du moins, je le suppose ! ajouta le Portugais en ricanant.

— Le nom de cet homme ? demanda Mrs Weldon.

— Cet homme… c’est James W. Weldon, votre mari !

— Mon mari ! s’écria Mrs Weldon, qui ne pouvait croire ce qu’elle venait d’entendre.

— Lui-même, mistress Weldon, votre mari, à qui je veux, non pas rendre, mais faire payer sa femme, son enfant, et son cousin par-dessus le marché ! »

Mrs Weldon se demanda si Negoro ne lui tendait pas un piège. Cependant, elle crut comprendre qu’il parlait très sérieusement. À un misérable pour qui l’argent est tout, il semble qu’on pourrait se fier, quand il s’agit d’une affaire. Or, ceci était une affaire.

« Et quand vous proposez-vous de faire cette opération ? reprit Mrs Weldon.