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L’INTÉRIEUR D’UNE FACTORIE

à le laisser seul et redoutait toujours quelque malheur. Le petit Jack parlait souvent de son père, qu’il n’avait pas vu depuis si longtemps ! Il demandait à retourner près de lui. Il s’informait de tous, de la vieille Nan, de son ami Hercule, de Bat, d’Austin, d’Actéon ou de Dingo, qui paraissait, lui aussi, l’avoir abandonné. Il voulait revoir son camarade Dick Sand. Sa jeune imagination, très attendrie, ne vivait que dans ces souvenirs. À ses questions, Mrs Weldon ne pouvait répondre qu’en le pressant sur sa poitrine, en le couvrant de baisers ! Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était de ne pas pleurer devant lui !

Cependant, Mrs Weldon n’avait pas été sans observer que, si les mauvais traitements lui avaient été épargnés pendant le voyage de la Coanza, rien n’indiquait, à l’établissement d’Alvez, que l’on dût changer de conduite à son égard. Il n’y avait plus dans la factorerie que les esclaves au service du traitant. Tous les autres, qui faisaient l’objet de son commerce, avaient été parqués dans les baracons de la tchitoka, puis vendus aux courtiers de l’intérieur. Maintenant, les magasins de l’établissement regorgeaient d’étoffes et d’ivoire, les étoffes destinées à être échangées dans les provinces du centre, l’ivoire à être exporté sur les principaux marchés du continent.

Donc, en somme, peu de monde à la factorerie. Mrs Weldon occupait avec Jack une hutte à part ; cousin Bénédict, une autre. Ils ne communiquaient point avec les serviteurs du traitant. Ils mangeaient en commun. La nourriture, viande de chèvre ou de mouton, légumes, manioc, sorgho, fruits du pays, était suffisante. Halima, une jeune esclave, spécialement au service de {{Mrs|Weldon}, lui témoignait même, à sa manière et comme elle le pouvait, une sorte d’affection sauvage, mais certainement sincère.

Mrs Weldon voyait à peine José-Antonio Alvez, qui occupait la maison principale de la factorerie, et ne voyait pas du tout Negoro, logé au dehors, dont l’absence était assez inexplicable. Cette réserve ne cessait de l’étonner et de l’inquiéter à la fois.

« Que veut-il ? Qu’attend-il ? se demandait-elle. Pourquoi nous avoir entraînés à Kazonndé ! »

Ainsi s’étaient écoulés les huit jours qui précédèrent l’arrivée de la caravane d’Ibn Hamis, c’est-à-dire les deux jours avant la cérémonie des funérailles, et enfin les six jours qui suivirent.

Au milieu de tant d’anxiétés, Mrs Weldon ne pouvait oublier que son mari devait être en proie au plus affreux désespoir, en ne voyant revenir ni sa femme ni son fils à San-Francisco. Mr Weldon ne pouvait savoir que sa femme