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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

claves tombèrent sous le couteau des égorgeurs. Le lit de la rivière roula des flots de sang.

Pendant une demi-heure, les cris des victimes se mêlèrent aux vociférations des assistants, et on eût vainement cherché dans cette foule un sentiment de répulsion ou de pitié !

Enfin, la reine Moina fit un geste, et le barrage, qui retenait les eaux supérieures, commença à s’ouvrir peu à peu. Par un raffinement de cruauté, on laissa filtrer le courant d’amont, au lieu de le précipiter par une rupture instantanée de la digue. La mort lente au lieu de la mort rapide !

L’eau noya d’abord le tapis d’esclaves qui couvrait le fond de la fosse. Il se fit d’horribles soubresauts de ces vivantes qui luttaient contre l’asphyxie. On vit Dick Sand, submergé jusqu’aux genoux, tenter un dernier effort pour rompre ses liens.

Mais l’eau monta. Les dernières têtes disparurent sous le torrent qui reprenait son cours, et rien n’indiqua plus qu’au fond de cette rivière se creusait une tombe où cent victimes venaient de périr en l’honneur du roi de Kazonndé.

La plume se refuserait à peindre de tels tableaux, si le souci de la vérité n’imposait pas le devoir de les décrire dans leur réalité abominable. L’homme en est encore là dans ces tristes pays. Il n’est plus permis de l’ignorer.


CHAPITRE XIII

l’intérieur d’une factorerie.


Harris et Negoro avaient menti en disant que Mrs Weldon et le petit Jack étaient morts. Elle, lui et le cousin Bénédict se trouvaient alors à Kazonndé.

Après l’assaut de la fourmilière, ils avaient été entraînés au-delà du campement de la Coanza par Harris et Negoro qu’accompagnaient une douzaine de soldats indigènes.

Un palanquin, « la kitanda » du pays, reçut Mrs Weldon et le petit Jack. Pourquoi ces soins de la part d’un homme tel que Negoro ? Mrs Weldon n’osait se l’expliquer.

La route de la Coanza à Kazonndé se fit rapidement et sans fatigue.