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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

plades africaines, c’était l’occasion offerte à Negoro d’y faire jouer un rôle à Dick Sand. Ce qu’allait coûter de sang cette mort du roi Moini Loungga, on le croirait difficilement, si les voyageurs de l’Afrique centrale, le lieutenant Cameron, entre autres, n’avaient relaté des faits qui ne peuvent être mis en doute.

L’héritière naturelle du roi de Kazonndé était la reine Moina. En procédant sans retard aux cérémonies funèbres, elle faisait acte d’autorité souveraine, et pouvait ainsi distancer les compétiteurs, entre autres ce roi de l’Oukousou, qui tendait à empiéter sur les droits des souverains du Kazonndé. En outre, Moina, par cela même qu’elle devenait reine, évitait le sort cruel réservé aux autres épouses du défunt, et, en même temps, elle se débarrassait des plus jeunes dont elle, première en date, avait nécessairement eu à se plaindre. Ce résultat convenait particulièrement au tempérament féroce de cette mégère. Elle fit donc annoncer, à son de cornes de coudou et de marimebas, que les funérailles du roi défunt s’accompliraient le lendemain soir avec tout le cérémonial d’usage.

Aucune protestation ne fut faite, ni à la cour, ni dans la plèbe indigène. Alvez et les autres traitants n’avaient rien à craindre de l’avènement de cette reine Moina. Avec quelques présents, quelques flatteries, ils la soumettraient aisément à leur influence. Donc, l’héritage royal se transmit sans difficultés. Il n’y eut de terreur qu’au harem, et non sans raison.

Les travaux préparatoires des funérailles furent commencés le jour même. À l’extrémité de la grande rue de Kazonndé, coulait un ruisseau profond et torrentueux, affluent du Coango. Ce ruisseau, il s’agissait de le détourner, afin de mettre son lit à sec ; c’est dans ce lit que devait être creusée la fosse royale ; après l’ensevelissement, le ruisseau serait rendu à son cours naturel.

Les indigènes s’employèrent activement à construire un barrage qui obligeât le ruisseau à se frayer un lit provisoire à travers la plaine de Kazonndé. Au dernier tableau de la cérémonie funèbre, ce barrage serait rompu, et le torrent reprendrait son ancien lit.

Negoro destinait Dick Sand à compléter le nombre des victimes qui devaient être sacrifiées sur la tombe du roi. Il avait été témoin de l’irrésistible mouvement de colère du jeune novice, lorsque Harris lui avait appris la mort de Mrs Weldon et du petit Jack. Negoro, lâche coquin, ne se fût pas exposé à subir le même sort que son complice. Mais maintenant, en face d’un prisonnier solidement attaché des pieds et des mains, il supposa qu’il n’avait rien à craindre, et il résolut de lui rendre visite. Negoro était un de ces misérables auxquels il ne