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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

sous la forme desquelles ce métal s’exporte dans le centre de l’Afrique.

Les compliments ne furent pas épargnés aux havildars ; quant aux porteurs, le traitant donna des ordres pour que leur salaire leur fût compté immédiatement.

José-Antonio Alvez et Coïmbra parlaient une sorte de portugais mêlé d’idiome indigène qu’un natif de Lisbonne aurait eu quelque peine à comprendre. Dick Sand n’entendait donc pas ce que ces « négociants » disaient entre eux. Avait-il été question de ses compagnons et de lui, si traîtreusement adjoints au personnel du convoi ? Le jeune novice n’eut plus lieu d’en douter, lorsque, sur un geste de l’Arabe Ibn Hamis, un havildar se dirigea vers le baracon où Tom, Austin, Bat et Actéon avaient été renfermés.

Presque aussitôt, les quatre Américains furent amenés devant Alvez.

Dick Sand s’approcha lentement. Il ne voulait rien perdre de cette scène.

La face d’Antonio-José Alvez s’illumina, quand il vit ces noirs bien découplés, auxquels le repos et une nourriture plus abondante allaient promptement rendre leur vigueur naturelle. Il n’eut qu’un regard de dédain pour le vieux Tom. Son âge lui enlevait du prix ; mais les trois autres se vendraient cher au prochain marché de Kazonndé.

Ce fut alors qu’Alvez retrouva dans ses souvenirs quelques mots d’anglais, que des agents tels que l’Américain Harris avaient pu lui apprendre, et le vieux singe crut devoir souhaiter ironiquement la bienvenue à ses nouveaux esclaves.

Tom comprit ces paroles du traitant ; il s’avança aussitôt, et, montrant ses compagnons et lui :

« Nous sommes des hommes libres ! dit-il. Citoyens des États-Unis ! »

Alvez le comprit sans doute ; il répondit avec une grimace de belle humeur, en hochant la tête : « Oui… oui… Américains ! bienvenus… bienvenus !

— Bienvenus », ajouta Coïmbra.

Le fils du major de Bihé s’avança alors vers Austin, et, comme un marchand qui examine un échantillon, après lui avoir tâté la poitrine, les épaules, il voulut lui faire ouvrir la bouche afin de voir ses dents.

Mais, à ce moment, le señor Coïmbra reçut par la figure le plus magistral coup de poing qu’un fils de major eût jamais attrapé !

Le confident d’Alvez alla rouler à dix pas. Quelques soldats se jetèrent sur Austin, qui allait peut-être payer chèrement ce mouvement de colère.

Alvez les arrêta d’un geste. Il riait, ma foi, de la mésaventure de son ami Coïmbra, qui en était de deux dents sur cinq ou six qui lui restaient !