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KAZONNDÉ

Dick Sand se dit alors que, depuis cette nuit dans laquelle Dingo lui avait apporté le billet d’Hercule, le chien n’avait pas reparu. Une réponse que le jeune novice avait préparée à tout hasard, et dans laquelle il recommandait à Hercule de ne songer qu’à Mrs Weldon, de ne pas la perdre de vue, de la tenir le plus possible au courant de ce qui se passait, cette réponse il n’avait pu la faire parvenir à sa destination. Ce que Dingo avait pu faire une première fois, c’est-à-dire se glisser jusque dans les rangs de la caravane, pourquoi Hercule ne le lui avait-il pas fait tenter une seconde ? Le fidèle animal avait-il succombé dans quelque tentative avortée, ou encore Hercule, continuant à suivre les traces de Mrs Weldon, comme eût fait Dick Sand à sa place, s’était-il enfoncé, suivi de Dingo, dans les profondeurs de ce plateau boisé de l’Afrique, dans l’espoir d’arriver à quelque factorerie de l’intérieur ?

Que pouvait imaginer Dick Sand, si en effet ni Mrs Weldon, ni ses ravisseurs n’étaient là ! Il s’était cru tellement assuré, — à tort peut-être, — qu’il les retrouverait à Kazonndé, que de ne pas les y voir, tout d’abord, lui porta un coup terrible. Il eut là un mouvement de désespoir qu’il ne put maîtriser. Sa vie, si elle ne devait plus être utile à ceux qu’il aimait, n’était bonne à rien, et il n’avait plus qu’à mourir ! Mais, en pensant de la sorte, Dick Sand se méprenait sur son propre caractère ! Sous le coup de ces épreuves, l’enfant s’était fait homme, et le découragement chez lui ne pouvait être qu’un tribut accidentel payé à la nature humaine.

Un formidable concert de fanfares et de cris éclata en ce moment. Soudain Dick Sand, que nous venons de voir affaissé dans la poussière de la tchitoka, se redressa. Tout nouvel incident pouvait le mettre sur les traces de ceux qu’il cherchait. Le désespéré de tout à l’heure ne désespérait déjà plus.

« Alvez ! Alvez ! » ce nom était répété par une foule d’indigènes et de soldats qui envahissaient alors la grande place. L’homme duquel dépendait le sort de tant d’infortunés allait enfin paraître. Il était possible que ses agents, Harris et Negoro, fussent avec lui. Dick Sand était debout, les yeux ouverts, les narines dilatées. Ce jeune novice de quinze ans, les deux traîtres le trouveraient là devant eux, droit, ferme, les regardant bien en face ! Ce ne serait pas le capitaine du Pilgrim qui tremblerait devant l’ancien cuisinier du bord !

Un hamac, sorte de kitanda recouverte d’un mauvais rideau rapiécé, déteint, frangé de loques, parut à l’extrémité de la rue principale. Un vieux nègre en descendit. C’était le traitant José-Antonio Alvez.

Quelques serviteurs l’accompagnaient, faisant force démonstrations.