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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

Bihé et un troisième à Cassange, dans le Benguela, où le lieutenant Cameron allait le rencontrer quelques années plus tard.

Une grande rue centrale, de chaque côté des groupes de maisons, de « tembés » à toitures plates, à murailles de terre crépie, dont la cour carrée sert de parc au bétail, à l’extrémité de la rue la vaste « tchitoka » entourée de baracons, au-dessus de cet ensemble d’habitations quelques énormes banians dont les branches se développent par un mouvement superbe, çà et là de grands palmiers plantés comme des balais, la tête en l’air, sur la poussière des rues, une vingtaine d’oiseaux de proie préposés à la salubrité publique, tel est le quartier marchand de Kazonndé.

Non loin coule le Louhi, rivière dont le cours encore indéterminé est probablement un affluent ou tout au moins un sous-affluent du Congo, tributaire du Zaïre.

La résidence du roi de Kazonndé, qui confine au quartier commerçant, n’est qu’un ramassis de huttes malpropres qui s’étendent sur un espace d’un mille carré. De ces cases, les unes sont libres d’accès, les autres sont enceintes d’une palissade de roseaux ou bordées de figuiers buissonnants. Un clos particulier qu’entoure une haie de papyrus, une trentaine de cases servant de demeures aux esclaves du chef, un groupe de huttes pour ses femmes, un « tembé » plus vaste et plus élevé, à demi enfoui dans les plantations de manioc, telle est la résidence du roi de Kazonndé, un homme de cinquante ans, ayant nom Moini Loungga, et déjà bien déchu de la situation de ses prédécesseurs. Il n’a pas quatre mille soldats, là où les premiers traitants portugais en comptèrent vingt mille, et il ne pourrait plus, comme au bon temps, décréter l’immolation de vingt-cinq à trente esclaves par jour.

Ce roi était, d’ailleurs, un précoce vieillard usé par la débauche, brûlé par les liqueurs fortes, un féroce maniaque, faisant par caprice mutiler ses sujets, ses officiers ou ses ministres, coupant le nez ou les oreilles aux uns, le pied ou la main aux autres, et dont la mort, prochainement attendue, devait être accueillie sans aucun regret.

Un seul homme dans tout Kazonndé devait peut-être perdre à la mort de Moini Loungga. C’était le traitant José-Antonio Alvez, qui s’entendait fort bien avec l’ivrogne dont toute la province reconnaissait l’autorité. Il pouvait craindre après lui, si l’avènement de la première de ses femmes, la reine Moina, était contesté, que les États de Moini Loungga fussent envahis par un compétiteur voisin, un des rois de l’Oukousou. Celui-ci, plus jeune, plus actif, s’était