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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

physionomie farouche, ne fût intervenu. Cet Arabe était le chef Ibn Hamis dont Harris avait parlé. Il prononça quelques mots que Dick Sand ne put comprendre, et les soldats, obligés de lâcher leur proie, s’éloignèrent.

Il était donc bien évident, d’une part, qu’il y avait défense formelle de laisser le jeune novice communiquer avec ses compagnons, et de l’autre, qu’on avait recommandé qu’il ne fût pas attenté à sa vie. Qui pouvait avoir donné de tels ordres, si ce n’était Harris ou Negoro ?

En ce moment, — il était neuf heures du matin, 19  avril, — les sons rauques d’une corne de « coudou »[1] éclataient, et le tambour se fit entendre. La halte allait prendre fin.

Tous, chefs, soldats, porteurs, esclaves, furent aussitôt sur pied. Les ballots chargés, plusieurs groupes de captifs se formèrent sous la conduite d’un havildar qui déploya une bannière à couleurs vives.

Le signal du départ fut donné.

Des chants s’élevèrent alors dans l’air, mais c’étaient les vaincus, non les vainqueurs, qui chantaient ainsi.

Et voici ce qu’ils disaient dans ces chants, menace empreinte d’une foi naïve des esclaves contre leurs oppresseurs, contre leurs bourreaux :

« Vous m’avez renvoyé à la côte, mais, quand je serai mort, je n’aurai plus de joug, et je reviendrai vous tuer ! »


CHAPITRE VIII

quelques notes de dick sand.


Bien que l’orage de la veille eût cessé, le temps était profondément troublé encore. C’était, d’ailleurs, l’époque de la « masika », deuxième période de la saison des pluies sous cette zone du ciel africain. Les nuits surtout allaient être pluvieuses pendant une, deux ou trois semaines, ce qui ne pouvait qu’accroître les misères de la caravane.

  1. Sorte de ruminant de la faune africaine.