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UN CAMPEMENT SUR LES BORDS DE LA COANZA

Il va sans dire que, pendant les marches comme pendant les haltes, les prisonniers étaient très sévèrement gardés. Aussi, Dick Sand comprit-il bientôt qu’il ne fallait pas même tenter de s’enfuir. Mais alors, comment retrouver Mrs Weldon ? Que son enfant et elle eussent été enlevés par Negoro, ce n’était que trop certain. Le Portugais avait tenu à la séparer de ses compagnons pour des raisons qui échappaient encore au jeune novice ; mais il ne pouvait douter de l’intervention de Negoro, et son cœur se brisait à la pensée des dangers de toutes sortes qui menaçaient Mrs Weldon.

« Ah ! se disait-il, quand je songe que j’ai tenu ces deux misérables, l’un et l’autre, au bout de mon fusil, et que je ne les ai pas tués !… »

Cette pensée était de celles qui revenaient le plus obstinément à l’esprit de Dick Sand. Que de malheurs la mort, la juste mort d’Harris et de Negoro eût évités ! que de misères en moins pour ceux que ces courtiers de chair humaine traitaient maintenant en esclaves !

Toute l’horreur de la situation de Mrs Weldon, du petit Jack, se représentait aussitôt à Dick Sand. Ni la mère, ni l’enfant ne pouvaient compter sur cousin Bénédict. Le pauvre homme devait à peine se suffire ! Sans doute, on les entraînait tous trois vers quelque district reculé de la province d’Angola. Mais qui portait l’enfant encore malade ?

« Sa mère, oui ! sa mère ! se répétait Dick Sand. Elle aura retrouvé des forces pour lui ! Elle aura fait ce que font ces malheureuses esclaves ; et elle tombera comme elles ! Ah ! que Dieu me remette en face de ses bourreaux, et je… »

Mais il était prisonnier ! Il comptait pour une tête dans ce bétail que les havildars poussaient vers l’intérieur de l’Afrique ! Il ne savait même pas si Negoro et Harris dirigeaient eux-mêmes le convoi dont faisaient partie leurs victimes ! Dingo n’était plus là pour dépister le Portugais, pour signaler son approche. Hercule seul pourrait venir en aide à l’infortunée Mrs Weldon. Mais ce miracle était-il à espérer ?

Dick Sand se raccrochait cependant à cette idée. Il se disait que le vigoureux noir était libre. De son dévouement, il n’y avait pas à douter ! Tout ce qu’il serait humainement possible de faire, Hercule le ferait dans l’intérêt de Mrs Weldon.


    flammes, avaient été tués en défendant leurs familles, ou étaient morts de faim dans la jungle, à moins que les bêtes de proie n’eussent terminé plus promptement leurs souffrances.
    …« Ces crimes, perpétrés au centre de l’Afrique par des hommes qui se targuent du nom de chrétiens et se qualifient de Portugais, sembleraient incroyables aux habitants des pays civilisés. Il est impossible que le gouvernement de Lisbonne connaisse les atrocités commises par des gens qui portent son drapeau et qui se vantent d’être ses sujets. »

    (Tour du Monde. Trad. H. Loreau.)
    N.B. Il y a eu en Portugal des protestations très vives contre ces assertions de Cameron.