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LES MAUVAIS CHEMINS DE L’ANGOLA

brûlants et le sol. Des éclairs lointains commençaient à déchirer la nue, et de sourds roulements de tonnerre grondaient dans les profondeurs du ciel. Un formidable orage allait éclater.

Or, ces cataclysmes sont terribles en Afrique : pluies torrentielles, rafales auxquelles ne résistent pas les arbres les plus solides, foudroiements coup sur coup, telle est la lutte des éléments sous cette latitude. Dick Sand le savait bien, et il devint extrêmement inquiet. On ne pouvait passer la nuit sans abri. La plaine risquait d’être inondée, et elle ne présentait pas un seul ressaut sur lequel il fût possible de chercher refuge !

Mais l’abri, où le chercherait-on dans ce bas-fond désert, sans un arbre, sans un buisson ? Les entrailles mêmes du sol ne l’auraient pas donné. À deux pieds de la surface, on eût trouvé l’eau.

Cependant, vers le nord, une série de collines peu élevées semblaient limiter la plaine marécageuse. C’était comme le bord de cette dépression du terrain. Quelques arbres s’y profilaient sur une dernière zone plus claire, que les nuages ménageaient à la ligne d’horizon.

Là, si l’abri manquait encore, la petite troupe, du moins, ne risquerait plus d’être prise dans une inondation possible. Là était peut-être le salut de tous.

« En avant, mes amis, en avant ! répétait Dick Sand. Trois milles encore, et nous serons plus en sûreté que dans les bas-fonds.

— Hardi ! hardi ! » criait Hercule.

Le brave noir eût voulu prendre tout ce monde dans ses bras et le porter à lui seul.

Ces paroles enflammaient ces hommes courageux, et malgré les fatigues d’une journée de marche, ils s’avançaient plus vite alors qu’ils ne l’avaient fait au commencement de l’étape.

Quand l’orage éclata, le but à atteindre se trouvait à plus de deux milles encore. Toutefois, — ce qui était le plus à craindre, — la pluie n’accompagna pas les premiers éclairs qui furent échangés entre le sol et les nuages électriques. L’obscurité devint presque complète alors, bien que le soleil n’eût pas disparu derrière l’horizon. Mais le dôme des vapeurs s’abaissait peu à peu, comme s’il eût menacé de s’effondrer, — effondrement qui devait se résoudre en une pluie torrentielle. Des éclairs, rouges ou bleus, le crevaient en mille endroits et enveloppaient la plaine d’un inextricable réseau de feux.

Vingt fois, Dick et ses compagnons coururent le risque d’être foudroyés. Sur ce plateau, dépourvu d’arbres, ils formaient les seuls points saillants qui pus-