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LES MAUVAIS CHEMINS DE L’ANGOLA

Ses compagnons regardaient à droite, à gauche, d’un air surpris, comme s’ils eussent traversé un interminable cimetière, dont un cataclysme aurait bouleversé les tombes, mais ils passaient en silence.

Cependant, le lit de la rivulette se creusait et s’élargissait à la fois. Son cours était moins torrentueux. Dick Sand espérait qu’il deviendrait bientôt navigable ou qu’il se jetterait avant peu dans quelque rivière plus importante, tributaire de l’Atlantique.

Suivre à tout prix ce cours d’eau, c’est à quoi le jeune novice était bien décidé. Aussi n’hésita-t-il pas à abandonner cette trouée, lorsque, remontant par une ligne oblique, elle s’éloigna de la rivulette.

La petite troupe s’aventura donc encore une fois à travers l’épais taillis. On marcha à la hache, au milieu des lianes et des buissons inextricablement enchevêtrés. Mais, si ces végétaux obstruaient le sol, ce n’était plus l’épaisse forêt qui confinait au littoral. Les arbres se faisaient rares. De larges gerbes de bambous se dressaient seulement au-dessus des herbes, si hautes qu’Hercule lui-même ne les dominait pas de la tête. Le passage de la petite troupe n’eût été révélé que par l’agitation de ces tiges.

Ce jour-là, vers trois heures après-midi, la nature du terrain se modifia absolument. C’étaient de longues plaines qui devaient être entièrement inondées dans la saison des pluies. Le sol, plus marécageux, se tapissait d’épaisses mousses surmontées de charmantes fougères. Venait-il à se relever par quelque tumescence à pente roide, on voyait apparaître l’hématite brune, derniers affleurements, sans doute, de quelque riche gisement de minerai.

Dick Sand se souvint alors, et fort à propos, de ce qu’il avait lu des voyages de Livingstone. Plus d’une fois, l’audacieux docteur faillit rester dans ces marécages, très perfides au pied.

« Faites attention, mes amis, dit-il en prenant les devants. Éprouvez le sol avant de marcher dessus.

— En effet, répondit Tom, on dirait que ces terrains ont été détrempés par la pluie, et cependant il n’a pas plu pendant ces derniers jours.

— Non, répondit Bat, mais l’orage n’est pas loin !

— Raison de plus, répondit Dick Sand, pour nous hâter de franchir ce marécage avant qu’il n’éclate ! — Hercule, reprenez le petit Jack dans vos bras. Bat, Austin, tenez-vous près de mistress Weldon, de manière à pouvoir la soutenir au besoin. — Vous, monsieur Bénédict… Eh bien ! que faites-vous donc, monsieur Bénédict ?…