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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

pouvait même établir une civière de branchages, sur laquelle Mrs Weldon aurait trouvé place. Mais c’était employer à ce portage deux noirs sur cinq, et Dick Sand voulait avec raison que tous ses compagnons fussent libres de leurs mouvements dans le cas d’une soudaine attaque.

Et puis, à descendre le courant d’une rivière, le jeune novice se retrouverait sur son élément !

La question se réduisait donc à savoir s’il existait aux environs quelque cours d’eau utilisable. Dick Sand le pensait, et voici pourquoi.

La rivière qui se jetait dans l’Atlantique, au lieu d’échouage du Pilgrim, ne pouvait remonter ni très au nord, ni très à l’est de la province, puisqu’une chaîne de montagnes assez rapprochées, — celles-là mêmes qu’on avait pu prendre pour les Cordillères, — fermaient l’horizon sur ces deux côtés. Donc, ou la rivière descendait de ces hauteurs, ou elle s’infléchissait vers le sud, et, dans les deux cas, Dick Sand ne pouvait tarder à en rencontrer le cours. Peut-être même, avant ce fleuve, — car il avait droit à cette qualification comme tributaire direct de l’Océan, — se présenterait-il quelqu’un de ses affluents qui suffirait au transport de la petite troupe. En tout cas, un cours d’eau quelconque ne devait pas être éloigné.

En effet, pendant les derniers milles du voyage, la nature des terrains s’était modifiée. Les pentes s’abaissaient et devenaient humides. Çà et là couraient d’étroites rivulettes, qui indiquaient que le sous-sol renfermait tout un réseau aqueux. Dans la dernière journée de marche, la caravane avait côtoyé un de ces ruisseaux dont les eaux, rougies d’oxyde de fer, se teignaient à ses berges dégradées. Le retrouver ne devait être ni long, ni difficile. Évidemment, on ne pourrait descendre son cours torrentueux, mais il serait aisé de le suivre jusqu’à son embouchure sur quelque affluent plus considérable, et partant, plus navigable.

Tel fut le plan très simple auquel s’arrêta Dick Sand, après avoir conféré avec le vieux Tom.

Le jour venu, tous leurs compagnons se réveillèrent peu à peu. Mrs Weldon déposa son petit Jack, encore assoupi, entre les bras de Nan. L’enfant, tout décoloré dans la période d’intermittence, faisait peine à voir.

Mrs Weldon s’approcha de Dick Sand.

« Dick, demanda-t-elle, après l’avoir regardé, où est Harris ? Je ne l’aperçois pas. »

Le jeune novice pensa que, tout en laissant croire à ses compagnons qu’ils