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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

Ce n’étaient pas encore les pentes de la chaîne du premier plan, mais une sorte de plateau ondulé qui raccordait la plaine à la montagne.

Là, les arbres, un peu moins serrés, quelquefois réunis par groupes, auraient rendu la marche plus facile, si le sol n’eût été envahi par des plantes herbacées. On se fût cru alors dans les jungles de l’Inde orientale. La végétation paraissait être moins luxuriante que dans la basse vallée de la petite rivière, mais elle était supérieure encore à celle des régions tempérées de l’Ancien ou du Nouveau-Monde. L’indigo y croissait à profusion, et, suivant Harris, cette légumineuse passait avec raison pour la plante la plus envahissante de la contrée. Un champ venait-il à être abandonné, ce parasite, aussi dédaigné que le chardon ou l’ortie, s’en emparait aussitôt.

Un arbre semblait manquer à cette forêt, qui aurait dû être très commun dans cette partie du nouveau continent. C’était l’arbre à caoutchouc. En effet, le « ficus prinoïdes », le « castilloa elastica », le « cecropia peltata », le « collophora utilis », le « cameraria latifolia », et surtout le « syphonia elastica », qui appartiennent à des familles différentes, abondent dans les provinces de l’Amérique méridionale. Et cependant, chose assez singulière, on n’en voyait pas un seul.

Or, Dick Sand avait précisément promis à son ami Jack de lui montrer des arbres à caoutchouc. Donc, grande déception pour le petit garçon, qui se figurait que les gourdes, les bébés parlants, les polichinelles articulés et les ballons élastiques poussaient tout naturellement sur ces arbres. Il se plaignit.

« Patience, mon petit bonhomme ! lui répondit Harris. Nous en trouverons, de ces caoutchoucs, et par centaines, aux environs de l’hacienda !

— Des beaux, bien élastiques ? demanda le petit Jack.

— Tout ce qu’il y a de plus élastique. — Tenez, en attendant, voulez-vous un bon fruit pour vous désaltérer ? »

Et, ce disant, Harris alla cueillir à un arbre quelques fruits qui semblaient être aussi savoureux que ceux du pêcher.

« Êtes-vous bien sûr, monsieur Harris, demanda Mrs Weldon, que ce fruit ne peut faire de mal ?

Mistress Weldon, je vais vous rassurer, répondit l’Américain, qui mordit à belles dents à l’un de ces fruits. C’est une mangue. »

Et le petit Jack, sans se faire prier davantage, suivit l’exemple d’Harris. Il déclara que c’était très bon, « ces poires-là », et l’arbre fut aussitôt mis à contribution.

Ces manguiers appartenaient à l’espèce dont les fruits sont mûrs en mars et