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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

En tout cas, les dispositions prises suffiraient à les tenir en respect.

Les sentiers qui circulaient à travers l’épaisse forêt ne méritaient pas ce nom. C’étaient plutôt des passées d’animaux que des passées d’hommes. Elles ne permettaient d’avancer que difficilement. Aussi, en ne fixant qu’à cinq ou six milles la moyenne du parcours que ferait la petite troupe en douze heures de marche, Harris avait-il sagement calculé.

Le temps était fort beau, d’ailleurs. Le soleil montait vers le zénith, répandant à flots ses rayons presque perpendiculaires. En plaine, cette chaleur eût été insoutenable, Harris eut soin de le faire remarquer ; mais, sous cette impénétrable ramure, on la supportait facilement et impunément.

La plupart des arbres de cette forêt étaient inconnus, aussi bien de Mrs Weldon que de ses compagnons, noirs ou blancs. Cependant, un expert eût observé qu’ils étaient plus remarquables par leur qualité que par leur taille. Ici, c’était le « bauhinia » ou bois de fer ; là, le « molompi », identique au ptérocarpe, bois solide et léger, propre à faire des pagaies ou des rames, et dont le tronc exsudait une résine abondante ; plus loin, des « fustets », très chargés de matière colorante, et des « gaïacs », mesurant jusqu’à douze pieds de diamètre, mais inférieurs en qualité aux gaïacs ordinaires.

Dick Sand, tout en marchant, demandait à Harris le nom de ces diverses essences.

« Vous n’êtes donc jamais venu sur le littoral de l’Amérique du Sud ? lui demanda Harris, avant de répondre à sa question.

— Jamais, répondit le novice, jamais, pendant mes voyages, je n’ai eu l’occasion de visiter ces côtes, et, à vrai dire, je ne crois pas que personne m’en ait parlé en connaisseur.

— Mais, au moins, avez-vous exploré les côtes de la Colombie, celles du Chili ou de la Patagonie ?

— Non, jamais.

— Mais mistress Weldon a peut-être visité cette partie du nouveau continent ? demanda Harris. Les Américaines ne craignent pas les voyages, et, sans doute…

— Non, monsieur Harris, répondit Mrs Weldon. Les intérêts commerciaux de mon mari ne l’ont jamais appelé qu’en Nouvelle-Zélande, et je n’ai pas eu à l’accompagner autre part. Personne de nous ne connaît donc cette portion de la basse Bolivie.

— Eh bien, mistress Weldon, vous et vos compagnons, vous verrez un singulier pays, qui contraste étrangement avec les régions du Pérou, du Brésil ou de la République argentine. Sa flore et sa faune feraient l’étonnement d’un natu-