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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

« Le voyage est un peu long, en effet, répondit Harris, mais j’ai là, à quelques centaines de pas en arrière de la berge, un cheval que je compte mettre à la disposition de mistress Weldon et de son fils. Pour nous, rien de difficile, ni même de très fatigant à ce que nous fassions la route à pied. D’ailleurs, quand j’ai parlé de deux cents milles, c’est en suivant, ainsi que je l’ai déjà fait, le cours de cette rivière. Mais si nous prenions à travers la forêt, notre parcours serait abrégé de quatre-vingts milles au moins. Or, à raison de dix milles par jour, il me semble que nous arriverions à l’hacienda sans trop de misères. »

Mrs Weldon remercia l’Américain.

« Vous ne pouvez mieux me remercier qu’en acceptant, répondit Harris. Bien que je n’aie jamais traversé cette forêt, je ne serai pas, je le crois, embarrassé d’y faire route, ayant assez l’habitude de la pampa. Mais il y a une question plus grave, celle des vivres. Je n’ai que ce qu’il me faut strictement pour gagner l’hacienda de San-Felice…

— Monsieur Harris, répondit Mrs Weldon, nous avons heureusement des vivres en quantité plus que suffisante, et nous serons heureux de les partager avec vous.

— Eh bien, mistress Weldon, il me semble que tout s’arrange pour le mieux, et que nous n’avons plus qu’à partir. »

Harris se dirigeait vers la berge, avec l’intention d’aller reprendre son cheval à l’endroit où il l’avait laissé, lorsque Dick Sand l’arrêta encore en lui faisant une question.

Cela ne lui allait pas beaucoup, au jeune novice, d’abandonner le littoral pour s’enfoncer à l’intérieur du pays sous cette interminable forêt. Le marin reparaissait en lui, et, à remonter ou à descendre la côte, il eût été plus à son affaire.

« Monsieur Harris, dit-il, au lieu de voyager pendant cent vingt milles dans le désert d’Atacama, pourquoi ne pas suivre le littoral ? Distance pour distance, ne vaudrait-il pas mieux chercher à atteindre la ville la plus proche, soit au nord, soit au sud ?

— Mais, mon jeune ami, répondit Harris, en fronçant légèrement le sourcil, il me semble qu’il ne se trouve pas de ville à moins de trois ou quatre cents milles sur cette côte, que je ne connais que très imparfaitement.

— Au nord, oui, répondit Dick Sand, mais au sud ?…

— Au sud, répliqua l’Américain, il faudrait redescendre jusqu’au Chili. Or, le parcours est presque aussi long, et, à votre place, je n’aimerais pas à côtoyer les