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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

pêche des mers australes, appartenait à James-W. Weldon, riche armateur californien, qui en avait confié, depuis plusieurs années, le commandement au capitaine Hull.

Le Pilgrim était l’un des plus petits, mais l’un des meilleurs navires de cette flottille, que James-W. Weldon envoyait, chaque saison, aussi bien au-delà du détroit de Behring, jusqu’aux mers boréales, que sur les parages de la Tasmanie ou du cap Horn, jusqu’à l’Océan antarctique. Il marchait supérieurement. Son gréement, très maniable, lui permettait de s’aventurer, avec peu d’hommes, en vue des impénétrables banquises de l’hémisphère austral. Le capitaine Hull savait se « débrouiller », comme disent les matelots, au milieu de ces glaces qui, pendant l’été, dérivent par le travers de la Nouvelle-Zélande ou du cap de Bonne-Espérance, sous une latitude beaucoup plus basse que celle qu’elles atteignent dans les mers septentrionales du globe. Il est vrai qu’il ne s’agissait là que d’icebergs de faible dimension, déjà usés par les chocs, rongés par les eaux chaudes, et dont le plus grand nombre va fondre dans le Pacifique ou l’Atlantique.

Sous les ordres du capitaine Hull, bon marin, et aussi l’un des plus habiles harponneurs de la flottille, se trouvait un équipage composé de cinq matelots et d’un novice. C’était peu pour cette pêche de la baleine, qui exige un personnel assez nombreux. Il faut du monde, aussi bien pour la manœuvre des embarcations d’attaque que pour le dépeçage des animaux capturés. Mais, à l’exemple de certains armateurs, James-W. Weldon trouvait beaucoup plus économique de n’embarquer à San-Francisco que le nombre de matelots nécessaires à la conduite du bâtiment. La Nouvelle-Zélande ne manquait point de harponneurs, marins de toutes nationalités, déserteurs ou autres, qui cherchaient à se louer pour la saison et faisaient habilement le métier de pêcheurs. La période utile une fois achevée, on les payait, on les débarquait, et ils attendaient que les baleiniers de l’année suivante vinssent réclamer leurs services. Il y avait, à cette méthode, meilleur emploi des marins disponibles, et plus grand profit à retirer de leur coopération.

Ainsi avait-on agi à bord du Pilgrim.

Le brick-goélette venait de faire sa saison sur la limite du cercle polaire antarctique. Mais il n’avait pas son plein de barils d’huile, de fanons bruts et de fanons coupés. À cette époque déjà, la pêche devenait difficile. Les cétacés, pourchassés à l’excès, se faisaient rares. La baleine franche, qui porte le nom de « Nord-caper » dans l’Océan boréal, et celui de « Sulpher-boltone » dans les mers du Sud, tendait à disparaître. Les pêcheurs avaient dû se rejeter