Page:Verne - Un capitaine de quinze ans, Hetzel, 1878.djvu/119

Cette page a été validée par deux contributeurs.
109
À L’HORIZON

Sand devait-il donc supposer qu’il était trompé par sa boussole, dont il ne pouvait plus contrôler les indications, puisque le second compas lui manquait pour faire ce contrôle ? En vérité, il eut cette crainte que pouvait justifier l’absence de toute terre !

Aussi, lorsqu’il n’était plus à la barre, Dick Sand ne cessait-il de dévorer la carte des yeux ! Mais il avait beau l’interroger, elle ne pouvait lui donner le mot d’une énigme qui, dans la situation que Negoro lui avait faite, était incompréhensible pour lui, comme elle l’eût été pour tout autre !

Ce jour-là, pourtant, 21 février, vers huit heures du matin, il se produisit un incident de la plus haute gravité.

Hercule, de vigie à l’avant, fit entendre ce cri :

« Terre ! terre ! »

Dick Sand bondit vers le gaillard d’avant. Hercule, qui ne pouvait avoir des yeux de marin, ne se trompait-il pas ?

« La terre ! s’écria Dick Sand.

— Là », répondit Hercule, en montrant un point presque imperceptible à l’horizon dans le nord-est.

On s’entendait à peine parler au milieu des mugissements de la mer et du ciel.

« Vous avez vu la terre ?… dit le novice.

— Oui », répondit Hercule en affirmant de la tête. Et sa main se tendit encore vers bâbord devant.

Le novice regardait… Il ne voyait rien.

À ce moment, Mrs Weldon, qui avait entendu le cri poussé par Hercule, monta sur le pont, malgré sa promesse de ne point y venir.

« Mistress !… » s’écria Dick Sand.

Mrs Weldon, ne pouvant se faire entendre, essaya, elle aussi, d’apercevoir cette terre signalée par le noir, et semblait avoir concentré toute sa vie dans ses yeux.

Il faut croire que la main d’Hercule indiquait mal le point de l’horizon qu’il voulait montrer, car ni Mrs Weldon, ni le novice ne purent rien voir.

Mais, tout à coup, Dick Sand étendit la main à son tour.

« Oui ! oui ! terre ! » dit-il.

Une sorte de sommet venait d’apparaître dans une éclaircie des brumes. Ses yeux de marin ne pouvaient le tromper.

« Enfin ! s’écria-t-il, enfin ! »

Il se tenait fiévreusement au bastingage. Mrs Weldon, soutenue par Hercule, ne cessait de regarder cette terre presque inespérée.