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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

Mais que faire pour parer à cette éventualité ? On ne pouvait imprimer au Pilgrim une vitesse plus considérable, puisqu’il n’aurait pas conservé le moindre morceau de toile. Il fallait donc essayer de le maintenir autant que possible au moyen du gouvernail, dont l’action était souvent impuissante.

Dick Sand ne quittait plus la barre. Il s’était amarré au milieu du corps, afin de ne pas être emporté par quelque coup de mer. Tom et Bat, attachés aussi, se tenaient prêts à lui venir en aide. Hercule et Actéon, cramponnés aux bittes, veillaient à l’avant.

Quant à Mrs Weldon, au petit Jack, au cousin Bénédict, à Nan, ils restaient, par ordre du novice, dans les cabines de l’arrière. Mrs Weldon aurait préféré demeurer sur le pont, mais Dick Sand s’y était opposé formellement, car c’eût été s’exposer sans nécessité.

Tous les panneaux avaient été hermétiquement condamnés. On devait espérer qu’ils résisteraient, au cas où quelque formidable paquet de mer tomberait à bord. Si, par malheur, ils cédaient sous le poids de ces avalanches, le navire pouvait emplir et sombrer. Très heureusement aussi, l’arrimage avait été fait convenablement, de telle sorte que, malgré la bande effroyable que donnait le brick-goélette, son chargement ne se déplaçait pas.

Dick Sand avait encore réduit le nombre d’heures qu’il donnait au sommeil. Aussi, Mrs Weldon en vint-elle à craindre qu’il ne tombât malade. Elle obtint de lui qu’il consentît à prendre quelque repos.

Or, ce fut encore pendant qu’il était couché, dans la nuit du 13 au 14 mars, qu’un nouvel incident se produisit.

Tom et Bat se trouvaient à l’arrière, lorsque Negoro, qui paraissait rarement sur cette partie du pont, s’approcha et sembla même vouloir lier conversation avec eux ; mais Tom et son fils ne lui répondirent pas.

Tout d’un coup, dans un violent coup de roulis, Negoro tomba, et il aurait été sans doute jeté à la mer, s’il ne se fût retenu à l’habitacle.

Tom poussa un cri, craignant que la boussole n’eût été cassée.

Dick Sand, dans un instant d’insomnie, entendit ce cri, et, se précipitant hors du poste, il accourut sur l’arrière.

Negoro s’était déjà relevé, mais il tenait dans sa main le morceau de fer qu’il venait d’ôter de dessous l’habitacle, et il le fit disparaître avant que Dick Sand ne l’eût aperçu.

Negoro avait-il donc intérêt à ce que l’aiguille aimantée reprît sa direction vraie ? Oui, car ces vents de sud-ouest le servaient maintenant !…

« Qu’y a-t-il ? demanda le novice.