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TEMPÊTE

vingt-quatre heures. C’était à peu près tout ce qu’on pouvait demander à un bâtiment de cette dimension.

Le brick-goélette, dans la pensée de Dick Sand, devait donc se rapprocher des parages plus fréquentés par les longs-courriers, qui cherchent à passer d’un hémisphère à l’autre. Le novice espérait toujours rencontrer un de ces bâtiments, et il avait la formelle intention, soit d’y transborder ses passagers, soit de lui emprunter quelques matelots de renfort et peut-être un officier. Mais, bien que la surveillance fût active, aucun navire ne put être signalé, et la mer était toujours déserte.

Cela ne laissait pas d’étonner quelque peu Dick Sand. Il avait traversé plusieurs fois cette partie du Pacifique pendant ses trois campagnes de pêche aux mers australes. Or, par la latitude et la longitude où le mettait son estime, il était rare qu’il ne se montrât pas quelque bâtiment anglais ou américain, remontant du cap Horn vers l’équateur, ou redescendant vers l’extrême pointe de l’Amérique du Sud.

Mais ce que Dick Sand ignorait, ce qu’il ne pouvait même reconnaître, c’est que le Pilgrim était déjà plus haut en latitude, c’est-à-dire plus au sud qu’il ne le supposait.

Cela tenait à deux raisons :

La première, c’est que les courants de ces parages, dont le novice ne pouvait qu’imparfaitement estimer la vitesse, avaient contribué, sans qu’il lui fût possible de s’en rendre compte, à rejeter le navire hors de sa route.

La seconde, c’est que la boussole, faussée par la main coupable de Negoro, ne donnait plus que des relèvements inexacts, — relèvements que, depuis la perte du second compas, Dick Sand ne pouvait contrôler. De telle sorte que, croyant et devant croire qu’il faisait l’est, en réalité il faisait le sud-est ! La boussole, elle était toujours sous ses yeux. Le loch, on le jetait régulièrement. Ses deux instruments lui permettaient, dans une certaine mesure, de diriger le Pilgrim et d’estimer le nombre de milles parcourus. Mais était-ce donc suffisant ?

Cependant, le novice rassurait toujours, et de son mieux, Mrs Weldon, que les incidents de cette traversée devaient parfois inquiéter.

« Nous arriverons, nous arriverons ! répétait-il. Nous atteindrons la côte américaine, ici ou là, peu importe, en somme, mais nous ne pouvons manquer d’y atterrir !

— Je n’en doute pas, Dick.

— Évidemment, mistress Weldon, j’aurais le cœur plus tranquille, si vous n’étiez pas à bord, si nous n’avions à répondre que de nous, mais…