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le numéro 9672.

intérêts en toute occasion. Aussi, vers 1854, lorsque le Storthing agita la question de ne plus avoir ni vice-roi à la tête du pays ni même de gouverneur, il fut l’un de ceux qui se jetèrent le plus vivement dans la discussion et firent triompher ce principe.

On conçoit donc que, s’il n’était pas très aimé dans l’est du royaume, il le fût dans l’ouest, et même au fond des gaards les plus reculés du pays. Son nom courait la montagneuse Norvège, depuis les parages de Christiansand jusqu’aux extrêmes roches du cap Nord. Digne de cette popularité de bon aloi, aucune calomnie n’avait jamais pu atteindre ni le député ni le professeur de Christiania. C’était, d’ailleurs, un vrai Norvégien, mais un Norvégien à sang vif, n’ayant rien du flegme traditionnel de ses compatriotes, plus résolu de pensées et d’actes que ne le comporte le tempérament scandinave. Cela se sentait à ses mouvements prompts, à l’ardeur de sa parole, à la vivacité de ses gestes. Né en France, on n’eût pas hésité à le dire « un homme du Midi », si l’on veut bien accepter cette comparaison, qui peut lui être appliquée avec quelque exactitude.

La situation de fortune de Sylvius Hog ne l’élevait pas au-dessus d’une assez belle aisance, bien qu’il n’eût point fait monnaie des affaires publiques. Âme désintéressée, il ne songeait jamais à lui, mais sans cesse aux autres. Aussi faisait-il fi des grandeurs. Être député lui suffisait. Il ne voulait rien de plus.

En ce moment, Sylvius Hog profitait d’un congé de trois mois pour se remettre de ses fatigues, après une laborieuse année de travaux législatifs. Il avait quitté Christiania depuis six semaines, avec l’intention de parcourir toute la contrée qui s’étend jusqu’à Drontheim, le Hardanger, le Telemark, les districts de Kongsberg et de Drammen. Il voulait visiter ces provinces qu’il ne connaissait pas encore. Un voyage d’étude et d’agrément.

Sylvius Hog avait déjà traversé une partie de cette région, et c’était en revenant des bailliages du nord qu’il avait voulu voir la célèbre chute, une des merveilles du Telemark. Après avoir examiné, sur les lieux mêmes, le projet, alors à l’étude, du chemin de fer de Drontheim à Christiania, il avait fait demander un guide pour le conduire à Dal, et il comptait le trouver sur